0
Tradition
Economies à tous les niveaux dans nos fermes pyrénéennes
Economies à tous les niveaux dans nos fermes pyrénéennes

| François-Xavier Esponde 1365 mots

Economies à tous les niveaux dans nos fermes pyrénéennes

Un mot très entendu ces derniers temps est celui de l’économie à tous les niveaux. Dans une gestion responsable des énergies et des richesses naturelles qui nous environnent. Il en fut ainsi jadis.
L’eau, le bois, la végétation, les fourrages et les céréales, tout faisait ainsi l’objet attentionné du paysan que nous fûmes par nos origines, dans ces terres agricoles alentour des années 60.

On se souvient ainsi de la gestion de l’eau potable absente il y a 50 ans dans nombre de nos fermes familiales. Une rivière, une source issue de la terre vallonnée “de la montagne” assurait le nécessaire et l’urgence des hommes et des troupeaux.
La réserve d’eau recueillie, et drainée à proximité des fermes assurait cette fonction nutritive nécessaire au bétail domestique.
“Ur aska”, parfois utilisé aussi comme lavoir, et le reste du temps comme réservoir d’eau courante voyait les bêtes, vaches, moutons, volaille, oies, canards et autres animaux de compagnie se satisfaire de la consommation d’eau quotidienne à des heures convenues pour chacun.

Il n’y avait pas encore d’abreuvoir individualisé dans les étables, ni dans les poulaillers, il fallait donc y pourvoir à la main ou organiser cette distribution régulière pour le bénéfice des bipèdes et quadrupèdes en demande.

L’hiver d’abondance d’eau donnait aux plus ingénieux l’idée déjà admise “d’une gestion économe de l’eau pour les temps difficiles de l’année.”
On pouvait voir à la descente des toitures fermières des cuves de dimension diverse, souvent de béton ou parfois de bois, conçus par les anciens pour recueillir la précieuse eau qui se déversait du ciel mais comme toujours à capacité irrégulière selon les saisons.

Déplacer les troupeaux de vaches ou de moutons jusqu’aux bords de rivières naturellement mieux pourvues, faisait l’objet régulier d’un suivi de ferme dans les temps difficiles ou de pénurie de l’été.

L’arrivée de l’eau dans les fermes changea la donne, mais d’habileté et de précaution nombre de ces fermiers maintinrent la consommation d’eau naturelle de leur propre chef, souvent acquise sur leurs terres, dans les sources de la ferme qui en nos pays ne s’en trouvaient privées pour la plupart d’entre eux.

Ferme moissons.jpg
Moissons à la ferme ©
Ferme moissons.jpg

Saison des récoltes, de foin de juin-juillet, sous une chaleur lourde qui ne semblait envier davantage à celle caniculaire de cet été, on pratiquait la fenaison, à la faux dans les pentes escarpées des sommets les moins accessibles, à la faucheuse attelée puis mécanique dans les premiers temps, avant de connaitre l’équipage tracteur et faucheuse qui assurait le nécessaire et fut pour le fermier un progrès indéniable de son travail, à la main.
Rien ne se perdant, on retournait les bottes de foin avec un râteau plusieurs fois dans la journée, pour sécher les herbes les plus résistantes au soleil, et venait la collecte en ballots et à la fourche de l’herbe sèche, engrangée, chargée sur les charrettes, et les attelages de boeufs, pour la saison hivernale.
Le tracteur n’était pas encore acquis en bien des propriétés de nos terres pyrénéennes.
Les enfants munis de leur mini râteau recueillaient encore tout ce qui pouvait se perdre dans le pré et devait rejoindre la récolte avant la fin des travaux de journée.

La gestion responsable de toute récolte nous fut éduquée dès l’enfance par des parents de la guerre qui en mesuraient le prix et le dividende.
Evoquer les foins et le regain, seconde récolte après la première, assurée en août, ne sauraient faire oublier, les prévenances de septembre quand la vigne familiale, présente en la plupart des fermes conviait le voisinage pour les vendanges.*
Munis de tonneaux ouverts en bois, de bassines, de paniers d’osier, de sécateurs, couteaux de cuisine, ou de lames aiguisées, la ronde des vendanges suivait les mêmes lois, et des règles draconiennes pour ne rien perdre, ramasser les grains de raison tombés à terre lors de la récolte, et laisser les rangs de vignes dépouillés de toute grappe abandonnée ou perdue par les vignerons.

Somme toute, pas ou prou préparés à ce travail mais priés de l’exercer avec les compétences nécessaires !Un moment de liesse et de joie partagée, car le voisinage 
s’ajoutant aux familiers les plus avisés, chants, et railleries, “bertzu eta kantu”, donnait à la vigne du seigneur, le privilège rare de le célébrer avant, pendant et lors de la vendange avec les agréments d’usage.
Il était irradiant de voir la joie du paysan et de sa cohorte de petites mains ,venus pour assurer la récolte, voyait son travail accompli et partagé entre tous lors d’un goûter de voisinage de contentement.

Autre moment important de l’année, la récolte de blé dans des horizons en jaune qui ont disparu désormais de la campagne alentour. Les champs de céréales de blé se comptant par leur petit nombre survivant du temps jadis.
On soignait les champs de blé pour récolter les graines des épis gorgés de soleil, et le temps favorable de le faire avant que les graines n’explosent et se dispersent dans les champs par mégarde.

A certaines saisons, la moissonneuse batteuse, ou la faucheuse – lieuse laissait filer quelques poignées compactes de graines de blé, que l’on tentait de recueillir et ne laisser perdre par mégarde ou inattention.
Au mieux les poules, canards et autres familiers de ferme faisaient le reste pour ne laisser à l’encan la récolte de l’année, objet soutenu d’une attention aux vents, aux pluies, et aux orages redoutés par les paysans, comme la pire des offenses du ciel pour leur travail.

NE RIEN PERDRE était la règle absolue de ces travaux menés des mois durant depuis la récolte, soumis aux intempéries, et aux vicissitudes de la météorologie, qui certaines années n’épargnèrent les paysans.

On prévoyait toujours la solution B pour le cas où ...
Des raves et des topinambour pour les animaux si ...
Aucune saison ne ressemblant à la précédente, les soins d’usage étaient observés scrupuleusement pour éviter quelque peu les désagréments d’une mauvaise récolte.
Le temps du maïs suivit, d’engeance récente en terre de polyculture sur des surfaces moindres.

Les mêmes contraintes s’y appliquaient aussi. Et l’on pensait que la nature du blé, de l’orge, du seigle n’étant pas de même constitution que le maïs, cette dernière pourrait éviter aux paysans les risques pris pour les céréales sujettes à la météo, au chaud, et au plein été en nos pays, pour éclore dans les champs et mériter au paysan le travail engagé pour y parvenir.

Le déroulé des travaux des champs et de fermes était infini et a disparu pour nombre d’entre eux.

On pourrait encore prolonger ces souvenirs d’une enfance paysanne par la gestion du mais, des patates, des céréales, du vin à la ferme, des conserves de cochon, de volaille et de moutons, des fruits de nos vergers éradiqués par les produits toxiques des champs...
Economie durable, responsable et gestion patrimoniale de la terre, des énergies et des productions fermières, étaient dans les codes acquis des paysans basco et béarnais.

Nos parents désormais centenaires et disparus géraient la terre et les champs comme un héritage des vivants, où l’inter dépendance des sujets, des espèces et des êtres se complétaient, fusionnaient entre eux, et demandaient une observation constante et durable au fil du temps et de leur histoire.

Bien de ces usages furent remplacés par la monoculture, la mécanisation encouragée, et le devoir de rendement et de production plus et plus encore.*
Des voix inattendues, venant des plus jeunes, et de leurs formations professionnelles contemporaines laissent éclore des avis plus prudents sur cette survie indéfinie.
L’économie des biens, de la terre, des ressources et de leur gestion n’étaient pas audibles il y a quelques quarante ans passés. On espérait bien davantage encore sur un modèle productiviste, le même de la part des collectivistes comme les libéraux, sans limite !

Les porte voix du temps qui vient parlent un autre langage, et clament d’autres appels.

Travailler autrement, produire autrement, consommer autrement, gérer la terre autrement...
Ciel ! Que se passerait-il donc pour y songer avec une telle densité aussi assurée ?
Le sens de l’histoire vient à désigner des abus, des fragilités.
Le sens de l’avenir durable et responsable vient à point pointer les manques.

A suivre donc avec une curiosité infinie dans les développements futurs de ces messages déjà audibles et insolites.

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription