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Livre
« Basque[s] », un regard à 360° sur la société basque
« Basque[s] », un regard à 360° sur la société basque
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| ALC 1625 mots

« Basque[s] », un regard à 360° sur la société basque

Trente-cinq ans après « Être Basque » édité en 1983 sous la direction de Jean Haritschelhar, c'est un très bel album que publie aux éditions Cairn la Société des Amis du Musée Basque qui a réuni une trentaine d'auteurs pour relever un défi : livrer un regard actualisé sur la société basque. Elle le présentera ce samedi 1er juin à 11h au Musée Basque.
Sur un nouveau paysage
Depuis 1983, un nouveau paysage s’est dessiné ici aussi, à l’image du reste du monde, sous l'influence d'évolutions telles que numérisation, tourisme de masse, attraction croissante du littoral basque sur la population française et urbanisation difficilement maîtrisée. Dans le même temps, le monde rural, qui fut aux XIX e et XX e siècles, un indispensable « conservatoire » de la culture basque doit lutter pour sa survie.
D’une incontestable vitalité
Aujourd'hui la marque « Pays Basque » connaît un succès réel dans l'opinion, fondé sur une image associant créativité, dynamisme économique, qualité des diverses productions et « authenticité », quelque vague que soit cette dernière notion. Plus fondamentalement, la culture basque, sous ses diverses formes, manifeste une incontestable vivacité notamment illustrée par l'augmentation continue de jeunes locuteurs en euskara, la langue basque, présente dans le livre grâce à la traduction des résumés qui précèdent chaque article.
Par 32 auteurs et acteurs
Pour rendre compte d'un paysage si changeant et si diversifié, « Basque[s] » choisit de donner la parole à 32 auteurs et acteurs : universitaires, journalistes, hommes et femmes de terrain, amateurs éclairés, militants engagés ne peuvent parler d’une seule voix, mais c'est précisément la pluralité de leurs points de vue qui donne son prix au tableau d'ensemble.
Un livre qui s’adresse à tous
Un tableau qui s'adresse aussi bien aux habitants du Pays Basque qu'à ceux qui souhaitent un peu mieux le connaître après l'avoir visité.
Un tableau qui s'intéresse avant tout au Pays Basque en France, à Iparralde (le Pays Basque Nord), mais ne s'interdit jamais de franchir la frontière lorsque la compréhension passe par un regard sur la situation en Hegoalde (le Pays Basque Sud, en Espagne).Un tableau qui est un triptyque : il donne d'abord à voir les signes particuliers qui caractérisent la société basque pour montrer ensuite sa sensibilité à l'empreinte du monde contemporain qui y laisse des traces profondes. La dernière image qu'emportera le lecteur sera celle de la vitalité manifeste qui s'exprime dans la façon basque d'être au monde aujourd'hui.
Les signes particuliers
LE signe qui assurément identifie le Pays Basque aujourd’hui c'est sa langue, l'euskara dont les linguistes Beñat Oihartzabal et Jasone Salaberria nous donnent un état des lieux précis et documenté.
L'anthropologie est d'une aide précieuse pour mieux définir ces caractéristiques : Michel Duvert nous rappelle que « les Basques sont porteurs d'informations sur les conditions de mise en forme de l'Europe actuelle » et Frédéric Bauduer, médecin hématologiste et
universitaire en donne un exemple éclatant en montrant que l'approche biologique permet de « déchiffrer l'histoire ancienne de la population basque ».
Pour montrer l'importance et les limites des « autonomies basques » (Euskadi et Navarre) dans le système espagnol ainsi que l'intérêt qu'elles suscitent au Pays Basque en France, l'historien Kristian Liet mobilise les ressources de sa discipline, de la politologie et du droit, tandis que la journaliste Anne-Marie Bordes décrit le difficile chemin qui a conduit au cours des trente dernières années de la violence à la paix au Pays Basque.
Auteur des Mémoires souletines, Philippe Etchegoyhen observe la plus petite et la moins peuplée mais non la moins singulière des sept provinces basques et y voit « un territoire qui prend conscience de son identité » et a décidé de prendre son destin en main, en dépit des difficultés géographiques et démographiques.
La langue basque est aussi porteuse de diverses formes d'expression artistique. Miren Artetxe Sarasola, une autre linguiste, nous en présente une, en plein essor parmi une jeunesse pourtant tout aussi « numérisée » qu'ailleurs, susceptible de rassembler des auditoires nombreux : le bertsolarisme, art de l'improvisation orale chantée et rimée.
d'être anecdotiques, la pelote et la cuisine basques sont des « marqueurs » de l’identité basque : l'universitaire et membre active de la Fédération française de Pelote basque, Renée-Evelyne Mourguy décrit l'évolution de ce sport mythique, son empreinte profonde sur le paysage basque sans éviter les menaces qui pèsent sur son devenir. Anne-Marie
Galé, chargée de la communication du Musée Basque nous montre comment la table basque, dans la variété de ses fabuleux produits et recettes, est une composante essentielle en même temps qu'une clé de la sociabilité au sein de la société, aujourd'hui comme hier.
L’empreinte du monde extérieur et les mutations qui en résultent sont rarement présentées dans leur ensemble. Ces articles font une synthèse des dynamiques démographique, urbaine et économique mais aussi des tensions qui placent le Pays Basque au cœur des interrogations de notre siècle.
En dépit de nuances régionales, le monde rural est devenu de moins en moins agricole et le monde urbain de plus en plus prédominant dans l'espace et dans la société basque.
L'ensemble s'organise à partir de cinq principales aires urbaines décrites par le géographe Pierre Laborde alors que Christophe Bergouignan se penche sur la démographie des sept provinces.
La « huitième province », soit la diaspora basque dans le monde, est évoquée par Argitxu Camus Etchecopar qui la connaît bien pour avoir fait l’essentiel de ses recherches doctorales sur le phénomène migratoire basque en Amérique.
Si là-bas la culture basque se réinvente, ici des mutations profondes fragilisent certains piliers. Xabier Itçaina, qui travaille depuis longtemps sur les relations entre religion et politique, apporte des éléments de réflexion sur la place du religieux aujourd’hui au Pays Basque.
Son économie subit également de plein fouet les crises, mais elle a su se diversifier et ne cesse de se transformer pour mieux s’adapter au monde de demain. Le journaliste Michel Garicoix en fait une synthèse et apporte une vision dynamique de ce secteur. En
revanche, celui de la pêche, après une succession de déferlantes, cherche à reprendre son souffle. Mikel Epalza, aumônier des marins, est bien placé pour nous parler de ce milieu si mal connu.
Mais les pêcheurs ne sont plus les seuls à affronter les vagues de l’océan. Dorénavant le
surf s’affiche sur tous les tableaux : sport, économie, tourisme, art de vivre, il façonne un
nouveau Pays Basque pour Hervé Manificat qui aime surfer avec les mots pour prendre la vague.
L’empreinte du monde se perçoit aussi dans la place que l’on accorde à la création : alors que le patrimoine local traditionnel peine à retenir l’attention, l’art du XXIème siècle multiplie ses lieux d’exposition. Olivier Ribeton, conservateur en chef du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne, et l’historienne Marie-Claude Berger exposent les termes d'une contradiction.
Une vitalité manifeste
Si le Pays Basque vit avec le monde, il ne s’y dilue pas pour autant. Il s’appuie sur ses
traditions pour bâtir son avenir : un vent nouveau souffle qui témoigne de la grande vitalité de ce territoire.
Au premier plan, la langue basque, dont la mort était annoncée avec le déclin de la
transmission familiale. Maité Irazoqui, ancienne directrice interdiocésaine de
l'Enseignement catholique et Béatrice Lahargoue, adjointe au maire de Mauléon-Licharre
pour la culture, le patrimoine et l’enseignement, apportent, chiffres à l’appui, les preuves de sa renaissance grâce au développement volontariste de son enseignement porté par la société civile.
Un entretien avec Panpi Sainte-Marie, secrétaire général du syndicat agricole basque
Euskal Herriko Laborarien Batasuna (ELB), livre une vision de pratiques agricoles modernes basées sur le concept de l’agriculture paysanne. Sur le plan politique, Jean-Michel Bedecarrax, ancien administrateur général du ministère de l'Intérieur, apporte
communautéd’agglomération Pays Basque, Eskual hirigune elkargoa.
Dans le domaine culturel, Pantxoa Etchegoin, directeur de l’Institut culturel basque,démontre combien cette institution est un acteur essentiel pour maintenir une culture basque en mouvement. Quant à la littérature basque, si elle n’occupe qu’un faible espace, elle se renouvelle et se renforce pour Lucien Etxehezaharreta, animateur de la revue et de l’association Maiatz. Mais c’est encore le chant, la musique et la danse, piliers de la culture basque, enracinés dans l’euskara, qui ne cessent de manifester leur vitalité. Place aux chanteurs, compositeurs et danseurs pour en parler ! À travers plusieurs entretiens, Pier Paul Berzaitz, Niko Etxart, Mixel Etxekopar et Julien Corbineau apportent leurs expériences sur ces disciplines, entre tradition et modernité.
Discrètement, le 7ème art émerge au Pays Basque. Anaiz Aguirre Olhagaray, qui a travaillé aux Archives du film du Centre national du cinéma (CNC) et au cinéma l’Atalante à Bayonne, transmet cette histoire pourtant ancienne, ignorée du grand public.
Tel n’est pas le cas du sport, cette passion qui rassemble tout un peuple comme aime à l’écrire le journaliste sportif Christian Bibal. Cet engouement permet non seulement l’éclosion de grands champions mais participe à cet art de vivre basque.
La question de l’art contemporain prend toute sa dimension à travers la question posée par Éric Dicharry : « L’art basque contemporain existe-t-il comme marqueur identitaire ? » Ce chercheur, commissaire d’exposition, artiste et poète tente d’y répondre. Dans le même esprit, Viviane Delpech, docteur en histoire de l'art, observe l’architecture contemporaine « de la survivance identitaire aux défis du XXIème siècle » et propose un état des lieux des enjeux et des réalisations architecturales aujourd’hui.
Pour clôturer ce livre, Philippe Etchegoyhen présente une synthèse d’une enquête réalisée auprès de ceux qui interviennent dans l’élaboration et la réalisation des mascarades et de la pastorale en Soule aujourd’hui. Ces représentations atemporelles ne symbolisent-t-elles pas au mieux cet élan qui anime les Basques et qui leur permet de se réinventer sans cesse dans la modernité sans renier le passé ?

« Basque[s] », éditions Cairn, 320 pages illustrées au format 21,5 x 27 cm, prix 39 €

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