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Histoire
La guerre de 14-18, l’Alliance franco-russe et l’hôpital russe de Biarritz
La guerre de 14-18, l’Alliance franco-russe et l’hôpital russe de Biarritz
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| Alexandre de La Cerda 1261 mots

La guerre de 14-18, l’Alliance franco-russe et l’hôpital russe de Biarritz

A propos d’un intéressant livret conscré par M. Jean-Pierre Caule – du service de documentation de la mairie de La Teste de Buch - au corps expéditionnaire russe en France entre 1916 et 1919, dont beaucoup de soldats passèrent par le camp du Courneau, certains d’entre eux étant inhumés dans l’ossuaire de la nécropole du Natus voisine, il est intéressant d’évoquer l’Alliance franco-russe née à la fin du XIXe siècle dans un monde aux prises, déjà, avec les menaces qui déboucheront sur la guerre de 14-18. Et de rappeler qu’à cette époque, ce projet d’alliance franco-russe avait ses détracteurs, en France, en particulier, avec – qui l’eut cru ! – le député du Var classé alors à l’extrême gauche qu’était Clemenceau.

Polémique qui atteignait l’ambassadeur de Russie, le baron Mohrenheim, et qui s’étalait à la une de toute la presse, tant parisienne que régionale. Dans cette querelle qui opposait partisans et adversaires de l’alliance franco-russe, l’ambassadeur russe se voyait reprocher un langage fort peu diplomatique, ou lui imputait même de s’être plaint de ne pas disposer des mêmes moyens, notamment dans la presse, face au camp opposé, qui comprenait les libéraux de gauche et les Anglais, hostiles à ce rapprochement. Clemenceau était « plus » que lié aux Anglais…

Il s’ensuivit un échange de lettres assez virulent entre l’ambassadeur de Russie et le futur « Père la Victoire », qui était loin de présumer le sacrifice de l’armée de Nicolas II en Prusse-Orientale pour y fixer les troupes allemandes et les empêcher de prendre Paris en 1914, permettant le

« miracle » des Taxis de la Marne…

Car, en 1914, alors que les troupes allemandes volent de succès en succès en France, l'entrée en action de l'allié russe est vitale. Ainsi, lorsque les Allemands, qui s’emparèrent de Reims, firent peser une menace directe sur Paris, les troupes russes passant à l’offensive en Prusse orientale.

Ils culbutent l'armée allemande à Gumbinnen, malgré leur préparation incomplète. Toute la Prusse orientale, berceau d'un grand nombre d'officiers allemands, est ouverte aux hommes du tsar. Panique et colère à Berlin. L'état-major allemand est obligé de prélever des troupes sur le front Ouest pour tenter de contrecarrer l'offensive russe en Prusse orientale : deux divisions allemandes sont retirées du front occidental, pourtant décrété prioritaire. Les Russes ont sacrifié leur armée pour aider les Français à gagner la bataille de la Marne, sauver ainsi la capitale française et libérer Reims !

Et la Russie jouera un rôle encore plus considérable dans le sort de la bataille de Verdun, une des plus sanglantes de la Ière guerre mondiale. L’offensive des Allemands contre cette forteresse commença en février 1916. Malgré une résistance acharnée, les Français furent d’abord obligés de battre en retraite, l’armée allemande ayant une suprématie de 3 fois en effectifs et de 4,5 fois en artillerie. Verdun se retrouva dans un demi-cercle des forces ennemies. Sa chute aurait ouvert aux Allemands la route de Paris. Tel était le dessein stratégique des généraux allemands, qui comptaient faire sortir la France de la guerre en 1916.

Cependant, vers le milieu de l’été l’offensive allemande commença à s’essouffler, ce que les versions officielles des historiens occidentaux attribuent avant tout aux pertes considérables de l’armée allemande. Les pertes humaines de la bataille de Verdun furent vraiment énormes de part et d’autre, ce qui lui a valu le nom de « boucherie » Selon les statistiques d’après-guerre, la bataille de Verdun, qui dura jusqu’à décembre 1916, fit perdre à l’Allemagne 600 mille hommes et aux Français – 360 mille.

Aussi, les uns et les autres avaient-ils besoin de forces fraîches. Comme la longueur du front de Verdun ne dépassait pas 40 km, il serait logique de se demander pourquoi les Allemands n’ont-ils pas assuré à leurs troupes de renforts nécessaires sur cette partie stratégique de leur front de l’ouest ? Les événements qui se sont produits en ce moment sur le front de l’Est donnent la réponse à cette question. Début juin 1916, l’armée russe lança, à l’initiative du général Alexei Brousiilov, une vaste offensive sur les 550 km du front russe du sud-ouest. Grâce à cette opération, qui devait entrer dans l’histoire sous le nom de « percée Broussilov », l’armée russe refoula l’adversaire de 60 à 150 km, lui ayant infligé des pertes sensibles- jusqu’à un million 500 mille tués et blessés. Pour sauver la situation sur leur front de l’est, les Allemands furent obligés de transférer du front de l’ouest, y compris de la région de Verdun, 30 divisions d’infanterie et 3 et demie de cavalerie. La défaite de l’armée allemande n’était plus qu’une question de temps. Dans un télégramme adressé à Alexei Broussilov, le général Joffre, commandant en chef des forces armées françaises, écrivait : « toute l’armée française jubile à l’occasion de la victoire de la valeureuse armée russe ».

La percée Broussilov avait une portée politique aussi importante que militaire. Elle épargna la défaite à l’Italie, qui combattait aux côtés des puissances de l’Entente, et mit un terme aux hésitations de la Roumanie, qui se rangea également sous la bannière de l’Entente et déclara la guerre à l’Autriche-Hongrie. S’il est vrai que la bataille de Verdun prédétermina grandement la défaite de l’Allemagne dans la 1ère guerre mondiale, il est tout aussi vrai que l’issue de cette bataille au profit de la France fut décidée dans une mesure décisive par la « percée Broussilov ».

Sur le plan des rapports russo-français, la « percée Broussilov » fut une brillante illustration de « l’entente cordiale » entre la France et la Russie, qui se forma à la fin du XIXe siècle.

A ce propos, il convient d’évoquer ceux des Russes qui, résidant en France pendant la guerre, ne combattaient pas sur le Front : ainsi, au Grand-Hôtel de Biarritz, le médecin russe Jacques de Poliakoff avait fondé de ses propres deniers un centre d’un secteur chirurgical de quatre formations pouvant recevoir et traiter sept cents blessés. Aidé par le Docteur Bandaline, son collaborateur immédiat, nommé codirecteur de l’Hôpital par le Ministre de la Guerre, le Docteur de Poliakoff avait installé là un service médical et chirurgical de premier ordre comportant toutes les conquêtes de la science moderne. En une seule année, six cents opérations y avaient été pratiquées sans qu’un seul cas d’infection postopératoire s’y soit révélé. D’ailleurs, les docteurs de Poliakoff et Bandaline furent promus, le premier, Commandeur, et le second, Officier de la Légion d’Honneur.

Et ces rappels historiques nous imposent également une pensée en souvenir de l’empereur de Russie Nicolas II qui fut l’ardent artisan de cette aide russe, et sa famille le paya de manière tragique à la révolution de 1917, il y a un siècle. Or, partisan de la paix - Nicolas II est à l’origine du tribunal international de La Haye - c’est sous son règne que la Russie avait réalisé un grand bond économique en avant, en effectuant toute une série de réformes efficaces, en augmentant sa population et son potentiel de défense. Si la Première guerre mondiale et la révolution n’avaient pas eu lieu, la Russie se serait retrouvée parmi les leaders économiques, militaires et politiques du monde, au dire de nombreux experts économiques internationaux.

Malgré des enjeux nouveaux et une situation internationale complexe, le souvenir de cette convention militaire franco-russe d’août 1892 qui unit la France et la Russie dans leur combat contre l’adversaire commun est de nature à nous inciter à renouveler une coopération étroite et une assistance réciproque. Dans ce contexte, le rappel des enseignements de la 1ère guerre mondiale n’est pas du tout superflu.

 

Alexandre de La Cerda

 

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