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Tradition
L'Esprit de Dieu plane sur les eaux
L'Esprit de Dieu plane sur les eaux
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| François-Xavier Esponde 1030 mots

L'Esprit de Dieu plane sur les eaux

1- Le mystère de l’eau.

L’eau ne cesse de fasciner les humains. Indépendante, indisciplinée, libre et sans cesse en mouvement ; comme le pinceau de nombreux artistes, celui de Simon Mathurin Lantara l’a peinte sur toile en 1752, dans ce décor étrange de la rencontre de la mer et du ciel et qui ne peut qu’inspirer notre émotion esthétique (*).

L’eau est inaccessible de par sa provenance et sa fonction. Dans l’abondance, elle devient commune, pour pallier son absence, on a recours à l’incantation.

L’eau est en Orient un trésor précieux nécessitant de grandes précautions, comme déjà rapporté dans Genèse 1,2 et dans le Livre de l’Apocalypse 22,47. Elle est la source de vie, car toute vie vient de cette eau originelle dont la reconnaissance est admise de l’Esprit du Créateur

Les quatre éléments de l’eau qui purifie, féconde, désaltère et guérit sont le quotidien de l’usage que l’on en fait.

2 – Zacharie et l’eau

En relisant Zacharie (13), elle représente « la source originelle qui depuis Jérusalem purifie tous les habitants de la Cité sainte et tous ceux qui s’en approchent dans leur vie ».

Dans l’eau vient le goût de reconnaitre les lois divines et l’Esprit qui les diffusent.

Par l’eau de toute boisson, de toute purification, de toute guérison et de toute provenance spirituelle, l’homme demeure lié à sa vocation spirituelle que traversent ses rites familiers de la vie dont le symbolisme les dépasse eux-mêmes vers une origine bien au-delà de leur reconnaissance.

Chez le juif pieux, versé dans les Ecritures et son histoire, des auteurs et des textes sacrés, tel le Cantique de Rabbah, gardent en la matière une saveur spécifique. On protège, préserve et vénère l’eau, sans doute non seulement pour des us domestiques familiers, mais parce que « de l’eau viennent les fruits de la terre, du ciel et de l’univers », éléments vitaux, présents de l’Eternel en son œuvre de Créateur (pour un sémite tourné entièrement vers la Création).

On s’étonne sans cesse de voir dans une jarre de terre et de céramique - habituelle à ce monde oriental - la vénération portée à ces objets souvent tournés vers les rites domestiques et religieux dans le commerce de l’eau et de ses dispositions spirituelles. Nous ne sommes pas de ce même monde !

Perdant leur émotion symbolique, les bains rituels des origines en Terre Sainte se sont souvent dilués pour nous dans l’histoire ; mais pour le religieux sémite qui faisait de telles ablutions avec l’eau première, la disposition de cette eau était liée à un culte particulier, à la source et à l’origine de la vie rendues à Celui qui l’avait fait venir pour le bénéfice des hommes.

Dans nos pays où elle abonde, où elle nous procure les avantages de la thérapie, de la distraction, de la consommation sans contrainte et de la fécondité de la terre, nous avons peine à reconnaitre que l’eau ait pu concentrer dans son histoire autant de divisions et de conflits pour en assurer l’approvisionnement, la maîtrise et la préservation. Cette histoire commence avec Moïse et le récit de Noé traversant les eaux du Déluge, pour se protéger des ennemis de la Foi, dans un récit mythologique dont le commentaire que chacun s’accorde à reconnaitre embrasse plus large, la portée du message (Exode 14, 21) ne sera jamais une fable, une image littéraire du passé… Car pour nombre de peuples du monde dont le salut et la survie paraissent menacés par l’absence d’eau sur leurs terres, cette ressource vitale représente une assurance de vie.

En retrouvant le prophète Isaïe dans la manifestation de l’eau de l’esprit qui exprime le pouvoir souverain du Créateur, ces mythes, ces récits racontés selon le langage d’un autre temps prennent une densité permanente à laquelle l’Israélite de tous les temps donne par sa force et la portée des rites qui les accompagnent le sens même du message annoncé. La fête des Tentes chez les Juifs conduisait tous les fidèles en procession à Jérusalem, à la Piscine de Siloé, en passant par la Porte des Eaux.

3 - Ezéchiel et l’eau

Ezéchiel avait prophétisé qu’une source naîtrait à Jérusalem, qu’elle inonderait la terre et le monde jusqu’à la Mer Morte. En Orient, le croyant, juif comme chrétien, ne pouvait entendre ces prophéties que comme une œuvre souveraine inachevée de l’Eternel. Du récit de la pêche miraculeuse des 153 poissons chez Jean 21, on ne peut que plonger dans ces symboles pour interpréter le message des prophéties de la première Alliance.

Dans l’imaginaire du juif pieux, l’eau qui sort du Temple emprunte trois voies, « celle de la grande mer, inconnue et redoutable, celle de la Mer Morte, un mystère insondable et que tout juif cherche encore à purifier avec le temps, et celle de la mer de Tibériade » où vont se consumer bien des manifestations des prophéties bibliques juives et chrétiennes. Rabbi Eliezer parle à ses fidèles israélites, comme Ezéchiel au chapitre 47, comme Jean à ses chrétiens, comme bien d’entre nous à nos témoins d’aujourd’hui, en reprenant ces anciens textes inspirés.

L’eau de toute source incontrôlable, indisciplinée, indépendante et libre, est la Force de l’Esprit du Créateur et de ses usages quotidiens dans nos vies. De la naissance à la mort, elle accompagne l’origine et la fin de chaque créature. Symbole de vie, de la métamorphose de notre humanité, de l’intelligence spirituelle de nos attentes personnelles, l’Esprit de Dieu habite l’eau comme la terre, l’éther et le ciel d’une présence invisible. Elle ne peut que nous rendre contemplatifs du mystère de la Création contenue dans l’eau !

François-Xavier Esponde

 

(*) NDLR : au musée de Grenoble, on découvre le tableau « L’Esprit de Dieu planant sur les Eaux » (1752) de Simon-Mathurin Lantara Lantara, considéré comme un des premiers paysagistes français : en regardant attentivement le ciel de l’œuvre, on y décèle en son centre le tétragramme divin en lettres hébraïques symbolisant la création du monde, avant même le premier jour, avant que la lumière ne soit séparée des ténèbres, quand « l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux » (Genèse, 1:2). A propos de l’artiste, Diderot écrivit ce quatrain :

« Je suis le peintre Lantara

La Foi m’a tenu lieu de livre

L’Espérance me faisait vivre

Et la Charité m’enterra ».

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