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Histoire
Guillaume Postel, un orientaliste remarquable
Guillaume Postel, un orientaliste remarquable
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| François-Xavier Esponde 991 mots

Guillaume Postel, un orientaliste remarquable

François-Xavier Esponde avait évoqué à propos du Protévangile de Jacques (voyez dans notre rubrique « Tradition » de la semaine dernière). L’occasion de revenir sur la figure de cet éminent intellectuel de la Renaissance.

1- Guillaume Postel

 Né en 1510 dans le diocèse d’Avranches et mort en 1581, Guillaume Postel est un orientaliste à la vie remarquable et parmi les premiers à rassembler des inédits de la Bible pour une diffusion imprimée au cours du XVIème siècle. Cité comme un auteur spécialiste de la kabbale chrétienne, sa vie est une aventure et mérite un temps le détour.

Etudiant au milieu de multiples étudiants étrangers en ce temps, dont Ignace de Loiola et Francisco de Xabier, Pierre Favre, Philippe Postel se lie d’amitié universitaire avec Jean Gelida, hispanophile au Collège Sainte-Barbe au milieu de cette communauté hispano-portugaise représentée en nombre à Paris. Mais le précoce et brillant étudiant est séduit par l’hébreu qu’il étudie avec la complicité de juifs de Paris qui lui font apprendre l’alphabet et la grammaire de la langue hébraïque.

Le jeune universitaire est repéré par Marguerite de Navarre qui le confie à l’ambassadeur du Roi à Constantinople de 1535 à 37. Conseiller d’ambassade envoyé pour régler un différend financier avec un prince arabe, le jeune étudiant s’intéresse davantage à la découverte de cet univers oriental et les rencontres qu’il établit en vue d’apporter au roi François Ier le plus de documents et d’archives orientales sur la bible et les évangiles.

Guillaume Postel étudie l’arabe et le turc, rencontre un de ses enseignants qui le prie de « faire envoyer auprès des orientaux le plus de traductions imprimées des évangiles en arabe »..

Pour l’époque, l’entreprise semblait audacieuse et quasi-impossible et les typographies en Occident ignoraient les caractères spécifiques à l’écriture dans ces langues. Notre universitaire s’attelle donc à ce défi que constituaient le travail de compilation des textes et leur publication ! D’autant plus que Guillaume Postel fut séduit par le lien entre la foi des chrétiens et les langues de cet Orient qu’il découvrait sur place et dans le texte. Son prochain voyage le conduisit à Venise.

2 – Postel, le chercheur.

Son intérêt le porta sur la traduction des textes orientaux hébreux, selon le vœu de François Ier qui veut enrichir la connaissance des textes sacrés depuis l’Orient. Postel écrivit ainsi un premier ouvrage cabalistique de l’hébreu pendant son séjour à Constantinople. Il y découvrira 38 alphabets orientaux, dont un grand nombre seront le fruit de l’imagination des cabalistes.

De telles recherches passionnent en Occident : elles sont neuves, inespérées et aiguisent la curiosité de l’esprit !

Mais l’intention de Postel demeure incessamment de traduire l’évangile en arabe, en syriaque, et en d’autres langues orientales, comme demandé par ses correspondants sur place.

De retour à Venise, Postel reprit encore le chemin de Paris. Investi d’une notoriété prestigieuse, connaisseur de ces langues inconnues, il sera nommé lecteur royal, chargé de les enseigner comme spécialiste de l’Orient. Il publiera un recueil sur 12 alphabets orientaux.

François Ier, humaniste reconnaissant, le soutient face à l’opposition qui se lève en Sorbonne à l’adresse de ce chercheur atypique peu conformé aux us académiques du temps. Postel rêve de pouvoir « réconcilier autour du christianisme toutes les cultures orientales, et les religions en se fixant le christianisme comme une vérité universelle ».

Fin 1542, Postel est remercié de son poste de lecteur royal mais son projet de traduction de l’évangile en langue arabe le poursuit. Il écrit encore un ouvrage sur le lien entre le protestantisme et l’islam. Le manuscrit est sanctionné, interdit de parution à Paris.

Si Postel croit toujours que « le judaïsme et l’Islam se fondront dans le christianisme un jour », il lui faut pour l’heure trouver un éditeur à Bâle en 1544 pour porter attention à son travail. Il revient auprès des jésuites à Rome, qu’il connait depuis ses études au collège Sainte-Barbe.

Mais le jeune novice est trop « impénitent » pour se conformer à la discipline de l’ordre jésuite. Il est prié de se retirer moins de deux ans après son arrivée dans la communauté.

Retour à Venise où fermentent des idées neuves autour de la bible, en traduisant des textes de l’hébreu en latin.

Postel n’est pas encore de reste : il reprend le chemin de l’Orient, Constantinople, Jérusalem, l’Egypte où il travaille avec d’autres érudits à la traduction du Nouveau Testament en syriaque.

Le voyage du retour à Venise lui permet de ramener des documents inédits d’une rare valeur, en vue d’une future impression de ces textes en hébreu, syriaque, arménien...

Postel n’a pas encore cédé au monde universitaire parisien où il est adulé par les uns, détesté par d’autres, mais ce faisant, il revient au Collège des Lombards pour donner des enseignements suivis. Le Collège Sainte Barbe ne veut plus de lui...

Mais le défaut majeur de l’époque est le manque de caractères en typographie orientale, disponibles pour imprimer les manuscrits en vue de les envoyer en Orient.

Postel ne reste davantage à Paris. Son point de chute est à nouveau Venise où le roi Ferdinand de Habsbourg accepte de financer l’impression de l’évangile en syriaque pour répondre à l’attente de ces textes en Orient. Or, toucher au texte sacré, en ces temps de Réforme Protestante, est un sacrilège : le pape Paul IV ne manquera pas de stigmatiser cette entreprise où juifs, arabes, protestants et quelques orientalistes patentés mènent la résistance.

On connaitra « l’inquisition romaine » contre le Talmud qui sera brûlé parmi bien d’autres textes sacrés orientaux. Postel et les chrétiens hébraïsants seront mis en prison. Postel est considéré comme fou.

Mais les idées menant le monde, certains projets comme celui de traduire l’évangile en arabe prendront encore du temps. Le roi Philippe II d’Espagne, sollicité pour financer le projet, ne répondra pas pour l’heure, mais Postel, et tous ces pionniers orientalistes français et italiens auront ouvert la brèche. Oublié par beaucoup, Postel demeure une référence pour ces auteurs de l’ombre dont le travail fut reconnu après leur mort.

François-Xavier Esponde

 

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