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Religion
Silence, liturgie, paroles : réflexions du théologien Olivier Praud
Silence, liturgie, paroles : réflexions du théologien Olivier Praud

| François-Xavier Esponde 763 mots

Silence, liturgie, paroles : réflexions du théologien Olivier Praud

Se former en musique liturgique....jpg
Se former en musique liturgique... ©
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Le silence n’est pas à la mode dans l’harmonie du monde sonore que nous vivons. Peu de place à l’intervalle vide, paroles et paroles coulent à profusion, et sans réserve.
L’absence de sons et d’ambiance ont parfois envahi la liturgie de bruits parasites musicaux ou de commentaires ajoutés au texte liturgique original. 
Les sensibilités personnelles à ce propos divergent. Le silence qui précède tout acte musical à l’écoute de la Parole de Dieu passe par le silence de la prière ; il n’est de répit ou de tranquillité au milieu du bouillonnement sonore ambiant. 

Joseph Samson, le maître de chapelle de Dijon, rapporte : « tout chant dont la valeur expressive n‘égale pas celle du silence est à proscrire »
La Constitution de la Sainte Liturgie invite à redécouvrir comme « un rite propre le silence sacré qui conduit à accueillir la Parole de Dieu adressée à l’homme » (n30).

Le silence donne du sens à la liturgie.
Il n’est jamais vide ni absence de son, infécond en liturgie.

Musique et silence entretiennent un dialogue nécessaire car, entre les notes de musique se tient un silence imperceptible qui leur donne un caractère propre.
Dans le silence, l’écho de la mélodie demeure en mémoire comme pour aider à découvrir ce que la musique permet à chacun de saisir.
Silence et musique se renvoient en une intériorité indicible. Cette plénitude spirituelle engendre une respiration créant le rythme et l’itinéraire d’un chemin intérieur de contemplation et de bonheur.
Point de silence par renoncement au chant dans la liturgie. Au contraire, la musique sculpte le silence et le construit comme le bruissement de l’Esprit divin en nous !

Et le silence devient rite.
Dans le texte référencé de la Constitution Liturgique « Desiderio desideravi » le pape François considère le silence comme un authentique acte rituel qu’il convient d’accomplir avec soin.
Non pour se retirer du monde dans l’isolement, mais comme une présence à l’action de l’Esprit Saint qui anime toute l’action de la célébration liturgique (n52).

Par le silence, obtenir la communion des esprits et demander pour s’unir et partager entre tous une même prière.
Accomplissant ce rite, le silence fait naître une juste attitude spirituelle qui est une conversion de toutes nos attentes au feu de l’Esprit Saint, adoration véritable de la présence du Christ, accueil de la Parole de Dieu et réponse de notre part à l’invite de Dieu le Père.

Le temps de la Foi s’inscrit pour nous dans cette forme chrétienne de notre vie.

Le silence devient parole. Paradoxe de ce lien entre parole et silence liturgique, l’écoute de Dieu constitue un pari irrépressible dans le tumulte ambiant du quotidien.
La liturgie offre à celui qui emprunte ce chemin d’entendre la musique du silence pour devenir attentif au message de l’Esprit Saint.
Prescrire un silence sacré en divers instants de la prière aide à le reconnaître comme la Parole la plus intense que Dieu nous adresse « en mettant en valeur ce que les yeux ne voient pas, ou que les sens peinent à percevoir dans le brouhaha environnant ».

Nous serions ainsi, comme le prophète Elie, cachés dans un rocher emmuré de notre vie, mais ne l’ayant trouvé « dans le feu, ni l’ouragan, ni dans la tempête, ni dans les songes de l’imaginaire de notre esprit, mais dans le murmure d’une brise légère » (Livre des Rois 1R1912).

Bibliographie 

- Michel Le Van Quyen, dans son livre « Cerveau et silence » invite à redécouvrir les clefs de la créativité et de la sérénité (Flammarion, 2019).
« C’est dans le calme que le cerveau se régénère, se répare, trie les informations, emmagasine les connaissances. Le silence en assure le ménage cérébral. L’ouïe est active sans cesse, même pendant le sommeil, un providentiel mécanisme de survie qui permet de se défendre contre la menace des sons.
L’excès de libération d’hormones, tel le cortisol, ou les catécholumines, aggrave les pathologies du système cardio-vasculaire comme, l’hypertension et l’infarctus du myocarde. 
Le silence et le repos du cerveau sont indispensables pour toutes les informations accumulées.

- Le neurologue canadien Marcus Raichle (fin 1990) rapporte que le cerveau est un glouton qui utilise 20 % de l’énergie totale produite par le corps.
Trois zones du cortex s’activent ensemble en réseau comme un chef d’orchestre qui donne le rythme et rassemble toutes les fonctions cérébrales pour préparer le cerveau et le corps à réagir à n’importe quelle situation ! (Le « mode par défaut » du cerveau dans sa version anglo-saxonne définit le silence comme temps et espace qui développe notre personnalité. 
Rien de surprenant à conjuguer silence, mémoire, harmonie sonore dans l’esprit humain qui en recueille les sources et les enrichit de leur créativité.

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