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Histoire
Les Nyert, une famille bayonnaise dans l’intimité du roi à Versailles
Les Nyert, une famille bayonnaise dans l’intimité du roi à Versailles

| Arnaud Batsale 1209 mots

Les Nyert, une famille bayonnaise dans l’intimité du roi à Versailles

La saison 3 de la série télévisée « Versailles » diffusée en France depuis 2015 par la chaîne payante Canal Plus est annoncée pour les prochaines semaines.

« Versailles » a été créée par deux producteurs et scénaristes britanniques, Simon Mirren et David Wolstencroft, en usant des ingrédients qui font le succès des grandes séries américaines, rythme soutenu mais aussi scènes de violences physiques et sexuelles. Mêlant fiction et faits historiques, personnages réels et inventés, le scénario est souvent de nature à laisser perplexe les amateurs de l’Histoire de France. « Versailles » permet toutefois aux téléspectateurs de se familiariser avec l’univers de Louis XIV.

Dès le premier épisode, le personnage d’Alexandre Bontemps, premier Valet de Chambre du Roi, interpelle le téléspectateur par son omniprésence et sa proximité avec le monarque.

Le rôle secondaire tenu en 1966 par le regretté Michel Galabru dans le film « Angélique et le Roi », prend dans « Versailles » une autre dimension. Il est interprété par un acteur écossais, Stuart Bowman. Ce fait ne doit rien au hasard quand on sait que les scénaristes de « Versailles » ont bénéficié pendant plusieurs années, avant et pendant le tournage, de l’assistance d’un consultant historique : Mathieu Da Vinha. Docteur en histoire et ingénieur de recherche, Da Vinha est directeur scientifique du Centre de recherche du Château de Versailles. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment d’un livre intitulé « Les Valets de Chambre de Louis XIV » ainsi que d’une biographie d’Alexandre Bontemps. Il est aujourd’hui le spécialiste de la domesticité du Roi à Versailles.

Sous le règne de Louis XIV, La Chambre et le Cabinet du Roi constituaient un des services de la Maison civile. Il était dirigé par un Grand Chambellan assisté des quatre premiers Gentilshommes de la Chambre et comprenait environ cinq cents personnes.

La Chambre du Roi était composée notamment des premiers Valets de Chambre assistés de trente-deux Valets de Chambre. La proximité des premiers Valets avec le roi était plus grande que celle des premiers Gentilshommes de la Chambre qui étaient théoriquement leurs supérieurs hiérarchiques. Ils étaient pour le monarque de véritables confidents. Ils avaient le privilège d’entrer à tout moment dans les appartements du Roi, de coucher au pied de son lit et, plus généralement, d’être auprès de lui dans tous les moments de son existence. Afin de limiter leur influence sur le Roi, les premiers Valets de Chambre étaient au nombre de quatre et dirigeaient donc la Chambre par quartier de trois mois consécutifs.

La fonction de premier Valet de Chambre constituait une charge certes onéreuse à acquérir, mais très rémunératrice. Elle était de plus transmissible. C’est ainsi que se sont constituées de véritables dynasties de serviteurs royaux, par ailleurs anoblis par leur charge, s’ils ne l’étaient pas déjà avant leur entrée en service.

Leurs fonctions ne les occupant qu’une partie de l’année, les premiers Valets de Chambre cumulèrent souvent d’autres charges. Ils bénéficièrent également de nombreuses faveurs de la part du Roi sous forme de biens immobiliers et de titres de noblesses.

Mathieu Da Vinha rédigea, en 2002, une étude intitulée : « Les Nyert, exemple d’une ascension sociale dans la Maison du Roi au XVII siècle » qui commence par le paragraphe suivant :

« Lorsqu’on évoque la proche domesticité commensale de Louis XIV le nom d’Alexandre Bontemps revient immanquablement à l’esprit… Il est devenu le modèle des serviteurs louis-quatorziens et l’historiographie moderne semble n’avoir retenu que son nom. C’est trop vite oublier le fait qu’ils étaient quatre à se partager cette charge, chacun d’eux servant le monarque trois mois par an. La plupart des premiers Valets de Chambre de Louis XIV ont été étudiés individuellement. Oubliés, les Nyert ont pourtant connus une destinée enviable à plus d’un titre. Leur ascension spectaculaire s’est faite sur deux générations à peine, voire sur une seule. S’ils n’eurent pas autant d’intimité avec Louis XIV que certains de leurs collègues, celui-ci ne les oublia pas dans ses bonnes grâces. Véritable dynastie de Valets de Chambre, ils ont marqué les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, mais aussi Louis XV. »

Le premier Nyert de la dynastie s’appelle Pierre. Il naît à Bayonne en 1597, dans une famille de notables occupant depuis plusieurs générations des charges importantes dans la gestion de la ville. Son père Laurent était conseiller du Roi et Receveur général des monnaies de Guyenne. Sa mère Marie appartenait également à une famille bayonnaise influente. Son père Jean de Sorhaindo était Lieutenant du Maire de Bayonne, Monsieur de Gramont.

Pierre de Nyert a probablement quitté Bayonne assez jeune. Avant d’être premier Valet de Chambre du Roi, il se fit remarquer des grands seigneurs, pour ses talents de chanteur et de joueur de luth. Valet de chambre du Duc de Mortemart, il devint ensuite en 1638 premier Valet de Garde-Robe de Louis XIII qui était un grand amateur de musique, charge qu’il parvint à acquérir grâce à l’appui financier de sa future femme, elle-même femme de chambre de la reine Anne d’Autriche. En 1653, Pierre de La Porte, premier Valet de Chambre, ayant été mis en disgrâce par la Reine, celui-ci se trouva contraint de vendre sa charge à Pierre de Nyert qui atteignit ainsi son apogée sociale.

Les talents de chanteur et de musicien de Pierre de Nyert ont fait l’objet en 1999 d’une étude de Jean-Noel Darrobers dans la revue « Ekaina » sous le titre : « un chanteur bayonnais de jadis, Pierre de Nyert ».

Le seul fils de Pierre alors toujours en vie, François de Nyert, obtint dès l’âge de neuf ans la survivance de son père dans la charge de premier Valet. A la mort de celui-ci en 1682, François de Nyert était bien introduit auprès de Louis XIV en étant déjà un des quatre premiers Valets de Chambre, et ce depuis le choix de Versailles comme résidence royale. Le roi le nomma en 1688 Gentilhomme ordinaire de la Chambre. Il fut également Gouverneur de Limoges. Très proche de Louis XIV, il fut également chargé par celui-ci de mener des missions secrètes. François de Nyert assura son service jusqu’à sa mort au Louvre en 1719.

Son fils Louis lui succéda jusqu’en 1736. Alexandre, qui lui -même remplaça son père Louis, mourut en 1744. Faute d’héritiers, la quatrième génération de la dynastie Nyert fut la dernière.

« Oubliés malgré une destinée enviable à plus d’un titre » pour Mathieu Da Vinha, « très oublié même dans sa ville natale malgré le rôle qu’il joua dans la musique française » pour Jean-Noel Darrobers, Pierre de Nyert et sa descendance ne sont toutefois pas totalement sortis des mémoires. Une rue de Bayonne sur la rive droite de l’Adour porte encore aujourd’hui leur nom : Allée de Niert.

Cette famille originaire de Bayonne, qui sur quatre générations et plus d’un siècle, a partagé l’intimité de trois rois de France en donnant notamment selon Saint Simon « un excellent musicien dont la voix et le luth étaient admirables » et à qui La Fontaine dédia un « Epitre sur l’opéra » mérite de faire l’objet de plus d’attentions en tirant peut-être profit de l’intérêt que semble porter le public des lecteurs et téléspectateurs pour une approche moins événementielle et plus sociale de l’Histoire.

Arnaud Batsale

Répondre à () :

Francis Mollet | 23/03/2020 18:40

Bravo

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