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Tradition
Les Basques chantent Sainte Agathe
Les Basques chantent Sainte Agathe
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| Alexandre de La Cerda 951 mots

Les Basques chantent Sainte Agathe

A Bayonne, c’est un peu en avance sur le calendrier, ce samedi 2 février à 16h, que le Musée Basque devait fêter Santa Ageda avec le chœur Errobi Kanta, mais en raison de dégâts dus aux intempéries de ces derniers jours (fuites d'eau à la verrière), le Musée Basque sera fermé ces samedi 2 et dimanche 3 février pour rouvrir le mardi suivant. En particulier, la célébration de la Sainte Agathe qui devait avoir lieu ce samedi 2 février à 16h a été annulée, le choeur Errobi maintenant en revanche son parcours bayonnais (passant par la mairie). Et comme chaque année, Biarritz renouera également avec cette tradition basque, « l’occasion d’opérer une transmission entre les générations : en effet, ce sont 140 enfants qui sortent en ville, accompagnés des ainés de l’association Arroka, pour découvrir les lieux de diffusion de l’euskara et y échanger leurs chants contre quelques récompenses. Une belle occasion pour explorer la dimension ludique de l’euskara au-delà de l’école ».

Ainsi, au début du mois de février, de nombreuses localités du Pays Basque sont parcourues par des groupes de chanteurs armés de makilas dont ils frappent le sol en rythme et portant une lanterne. Ils sont accompagnés des bertsularis (improvisateurs) qui usent de leur style incisif et volontiers moqueur – parfois louangeur – auprès des hôtes qui les reçoivent : ce sont les rondes chantées en l’honneur de Sainte Agathe dont la fête tombe le 5 février. Mais au Pays Basque, on la fête également la veille (« Agate Deuna Bezpera » en euskera). Car c’est en Biscaye que les rondes de Sainte Agathe sont les plus nombreuses. Par exemple à Orozko, dans l’extrême Sud-Ouest de la province, le chœur de la ville parcourt les rues et les quartiers interprétant les chants traditionnels liés à cette festivité. Après avoir chanté pour la dernière fois, sur la place communale, il récite un « Gure Aïta » Notre Père en l’honneur des défunts de l’année avant d’entamer, au rythme des bâtons, les treize couplets qui composent le chant de cette journée. Et un sanctuaire est consacré à Sainte-Agathe à Kastrexana (près de Barakaldo), situé à mi-hauteur du mont Arroletza (452 m.), sur ses contreforts.

Si les Basques du Sud entretiennent la tradition la veille de cette fête, de notre côté, l’habitude a été prise de la déplacer au samedi qui suit (ou qui précède) pour des commodités de calendrier.

Une sainte écologique et féconde

Pourquoi fête-t-on la Sainte Agathe au Pays Basque ? Il semblerait que cette belle tradition remonterait au moins au XVIIIe siècle : en 1764, on signalait déjà des « romerias » qui attiraient des milliers de visiteurs, entre Basatxu et Santa Águeda dans les environs de Bilbao comme à Arrasate-Mondragon, autour de nombreux stands proposant des produits de la ferme et des boissons. Car, ce n’est pas un hasard si à la Sainte Agathe « on sème les poireaux, même par temps de neige, et les oignons, même dans la glace en gage d’une fertilité retrouvée. La sainte était aussi fêtée dans toute l'Europe pour être la patronne des nourrices : elle était née en Sicile et, comme Sainte Lucie, le gouverneur romain Quirinus l’avait martyrisée en lui coupant les seins.

En fait, Sainte Agathe « entre dans le cycle de fécondité qui parcourt le temps de début février et qui forme un cycle cohérent autour de la Purification-Chandeleur du 2 février, période liée au retour de la lumière avec les jours qui allongent, et le retour de l'abondance de la nature après la torpeur de l'hiver ». D’où la tradition de porter la lumière (avec des lanternes) chez les hôtes que l’on souhaite honorer, lesquels, à leur tour, répondent en offrant aux chanteurs des mets et des boissons. Certains reliaient également cette tradition à une tournée des maisons avant le départ des conscrits pour l’armée…

De Barcus à Saint-Palais

Philippe Oyhamburu se souvient d’avoir relancé à Biarritz, en février 1950, cette coutume en usage à Bilbao et en Euskadi : « J’avais repris point par point cette organisation, sans oublier un aspect important que les Basques-sud réfugiés à Biarritz connaissaient bien et qui consistait à sustenter les choristes, et surtout à les abreuver avant qu’ils ne repartent dans la nuit froide de février. Nous nous étions empressés de prévenir à l’avance les gens visités ».

Les souvenirs ne manquent pas de cette époque : la belle lanterne du vestibule de Jesus Maria de Leizaola (ancien président du gouvernement basque en exil) qu’un coup de bâton intempestif avait brisée au moment du « eup » final où on lève son bâton au lieu d'en frapper le sol ou, à Biarritz, les arrêts devant l’épicerie de Félix Arostéguy qui était le dirigeant d’Oldarra à l’époque, et chez Miremont où les sœurs Etcheverry régalaient des pâtisseries qui restaient de la journée.

Cependant, après avoir consulté divers ouvrages et archives, Philippe Oyhamburu avait découvert que la coutume de fêter la Sainte Agathe était répandue dans tout le Pays Basque : « cette fête a laissé une chanson à Saint-Palais où Santa Ageda fut longtemps à l’honneur et, chez Azkue qui avait étudié de si près les traditions basques, on trouve une légende originaire de Barcus en Soule : alors qu’une maîtresse de maison cuisait son pain dans le fournil, elle avise un chat qui lui en mange un bout. Lui criant « va-t-en, chat ! », l’animal lui répond : « je ne suis pas le chat, je suis Sainte Agathe »… Et la femme de se retourner pour voir sa maison en flammes » ! Car, selon d’anciennes croyances, le jour de la Sainte Agathe, nulle part on ne faisait de pain ou de lessive.

Ainsi, dans tout le Pays Basque, ainsi que dans la diaspora, seront entonnés les couplets de Sainte-Agathe, comme ceux de la chorale Eresoïnka enregistrés en 1937 et réédités il y a quelques années par Agorila.

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