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Histoire
Le souvenir historique de Vauban dans notre région
Le souvenir historique de Vauban dans notre région
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| Han Izango Dena 1920 mots

Le souvenir historique de Vauban dans notre région

Décidément, la très riche personnalité de Vauban, ce grand et intelligent serviteur de Louis XIV, connu pour assiéger avec génie les citadelles ennemies et sécuriser les frontières du royaume - toujours en harmonie avec la nature, dans le respect des terroirs et des hommes dont il était « le plus avare ménager de leur vie » selon Saint Simon - est à l’ordre du jour : mercredi dernier, l’émission « Des racines & des ailes » sur France3 lui était en grande partie consacrée. Et récemment, à l’invitation de la Société des Sciences Lettres et Arts de Bayonne, Michèle Virol, professeur émérite des universités, présidente des conseils scientifiques de l’Association Nationale Vauban et du Réseau Unesco des Sites Majeurs de Vauban, avait donné au Musée Basque une conférence autour de son livre « Louis XIV et Vauban : correspondances et agendas »*.

On aurait pu penser que cette intervention était destinée à un public d’experts : il n’en fut rien. Michèle Virol, d’une façon simple et accessible, fit l’exégèse des lettres directement échangées entre ces deux grands personnages. La salle Xokoa du musée était pleine, le public venu nombreux suivit l’exposé avec attention, le prolongeant par de nombreuses questions démontrant par là tout l’intérêt porté à l’homme que fut Vauban, dont notre territoire garde l’empreinte.

Michèle Virol a bien voulu nous en dire plus sur cette surprenante relation entre Vauban et Louis XIV, en particulier son étonnante notoriété dans notre région du piémont pyrénéen alors que ses interventions y furent brèves. Il semble ainsi que les travaux sur la citadelle de Bayonne aient été suivis par François Ferry en totalité et ceux de Saint-Jean-Pied-de-Port par Nicolas Desjardins et à nouveau François Ferry ?

- Il est vrai que Vauban fut beaucoup plus présent en Flandre, en Hainaut et même en Alsace que sur la frontière pyrénéenne. Il devait veiller à la défense de la capitale et fermer les voies dinvasion des grandes plaines du nord. Si la monarchie espagnole des Habsbourg était une ennemie redoutée de Louis XIV, il craignait davantage des conflits venant des Pays Bas espagnols et des Provinces-Unies que de la péninsule ibérique. Mais lorsque Vauban succède au chevalier de Clerville comme commissaire général des fortifications en janvier 1678, il doit connaître toutes les places frontalières tant terrestres que maritimes, aussi reçoit-il lordre de se rendre dans les Pyrénées en 1680. Après les Pyrénées orientales, il visite Navarrenx et Saint Jean Pied de Port et arrive à Bayonne dans les premiers mois de 1680, accompagné par François Ferry, ingénieur directeur des fortifications de Guyenne et côtes océanes. Il remet au roi un projet de fortification de Bayonne daté du 30 avril 1680. Il revient en 1685 et rédige laddition au projet de Bayonne daté du 16 septembre 1685. Il visite aussi le fort dHendaye et le fort de Socoa qui complètent le dispositif défensif de la côte.

Vauban ne reviendra plus, aussi ce sont les ingénieurs en charge de la province qui exécutent les travaux. Cest donc François Ferry qui est présent, mais il dépend de Vauban, soucieux de contrôler tous les travaux de fortification du royaume. Le nom de Vauban reste attaché à la transformation de Bayonne à la fin du XVIIe siècle.

- Vous venez de publier aux éditions Champ Vallon une somme passionnante de plus de 500 pages sur la correspondance entre Louis XIV et Vauban et certain de ses agendas, ces documents sont analysés et documentés dans le contexte précis de cette époque, quelles ont pu être vos sources ?

- Jai retrouvé les lettres dans trois fonds darchives : Archives de lArmée au Service Historique de lArmée au château de Vincennes, les Archives départementales de la Nièvre où ont été déposés les papiers du château dAunay par une descendante de la fille aînée de Vauban, les archives privées de Vauban conservées au château Rosanbo dans les Côtes dArmor et microfilmées aux Archives Nationales.

- Comment peut-on comprendre cette relation directe avec louis XIV alors que seuls les hommes du Cabinet du Roi et les ministres avaient accès au roi et que toutes les demandes se faisaient par leur médiation, pourquoi d’ailleurs cette correspondance existe-t-elle sur une période précise allant de 1691 à 1706 ?

- La mort du ministre de la guerre, le marquis de Louvois en juillet 1691 initie l’échange direct de correspondance entre Louis XIV et Vauban. Désormais Vauban pourra sadresser au souverain sans la médiation des ministres jaloux de leur autorité comme ont pu l’être Colbert et Louvois. Bien sûr Michel le Peletier de Souzy, directeur des fortifications, rend compte au roi des travaux et projets des ingénieurs, mais de juillet 1691 à lautomne 1706, à la fin de sa dernière mission en Flandre maritime, Vauban peut dialoguer avec le roi. Rappelons que Vauban décèdera peu de temps après en mars 1707.

- On est toujours surpris d’apprendre que le Roi Soleil puisse rechercher ce type de relation en dehors de son entourage et des personnages de cour, on pense à Vauban et à Le Nôtre ?

- Louis XIV a le goût du secret et nest pas dupe des flatteries des courtisans de Versailles. Il aime sentretenir avec des hommes dont il apprécie lextrême compétence et la franchise, ce qui est le cas de Le Nôtre et de Vauban, sachant quil peut compter sur leur discernement. Ce ne sont pas des membres de la haute noblesse et ils doivent leur carrière et leur promotion à leur grande compétence que le roi a su reconnaître. Il faut ajouter que ces deux hommes avaient aussi accès à la personne du roi, leurs échanges nous échappent lorsquils ont lieu dans les jardins de Versailles, au château de Marly ou dans des réunions de travail.

- Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les agendas et leur usage ?

- Dans ses archives personnelles sont conservés des manuscrits que Vauban a nommé agendas et qui ont une fonction particulière. Certains sont des notes pour préparer les audiences que le roi lui accorde; dautres sont le canevas des comptes-rendus oraux de ses visites dinspection des fortifications quil propose au roi; dautres énumèrent les thèmes quil veut développer dans des mémoires quil projette de rédiger (futures Oisivetés); enfin un agenda de 100 folios est un ensemble de notes, remarques et reflets de ses voyages. Ce sont des documents rares et précieux pour comprendre le fonctionnement administratif de la monarchie et les prises de position de Vauban.

- Vous êtes l’une des meilleures spécialistes de Vauban : qu’avez-vous pu découvrir sur l’homme à travers cette correspondance et ces agendas ?

- La période couverte par la correspondance est celle des années noires du règne de Louis XIV, guerres, crises frumentaires, épidémies, grande mortalité, conséquences de la révocation de l’édit de Nantes. Les difficultés sur le plan militaire, la misère des campagnes, le mécontentement grandissant poussent Vauban à réfléchir aux réformes nécessaires. Il souhaite avoir un rôle de conseiller auprès du roi. Cette revendication émerge progressivement dans les lettres échangées et dans les agendas. Le poliorcète qui connait bien le royaume pense quil est à même de jouer un rôle important auprès du roi bien au-delà du domaine militaire. Cest cette ambition plus que lintimité de lhomme qui nous est révélée.

- Pensez-vous que l’on puisse espérer trouver d’autres inédits de ce type et plus largement des écrits de Vauban qui ne seraient pas encore répertoriés et soumis au travail des chercheurs ?

- Des archives inconnues peuvent toujours surgir dans le marché aujourdhui lucratif des « vieux papiers ». Les archives remises à sa fille cadette, la marquise dUssé ont été très largement dispersées et peuvent refaire surface dans une salle des ventes. Mais dans ce qui a été répertorié, beaucoup de lettres et d’écrits de Vauban nont pas encore été publiés, le travail va se poursuivre.

Publications de Michèle Virol :

Louis XIV et Vauban. Correspondances et agendas, novembre 2017 , Edition les Classiques de Champ Vallon, 566 p.

Vauban. De la gloire du roi au service de l’État, éd. Champ Vallon, 2003, rééd. 2007.

-  Les Oisivetés de Monsieur de Vauban, éd. Champ Vallon, 2007, 1720 pages.

- Vauban. La pierre et la plume, E. d’Orgeix, V. Sanger, M. Virol, I. Warmoes, éd. du Patrimoine et G. Klopp, 2007

- Vauban et les voies d’eau, M.Virol dir., Les étoiles de Vauban, 2007

- Vauban, architecte de la Modernité, Thierry Martin et Michèle Virol, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2008. Et sur le secrétaire particulier de Vauban et inspirateur de La Dîme Royale : Vincent Ragot de Beaumont : Au cœur des querelles politiques et religieuses sous Louis XIV, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013.

Vauban dans les Pyrénées Occidentales

À signaler que dans le cadre de son 31éme Congrès intitulé « Vauban en Pyrénées Occidentales », l’Association Nationale Vauban tiendra son colloque dans la matinée du vendredi 11 mai prochain à l’Orangerie d’Arnaga à Cambo avec plusieurs interventions sur les fortifications et les Ingénieurs Militaires :

- "Les fortifications de Bayonne et la citadelle Vauban" par Olivier Ribeton, conservateur en chef du Musée Basque, et Germaine Auzemery-Clouteau, animatrice architecture & patrimoine de Bayonne ville d'Art et d'histoire.

- "La fin du royaume transpyrénéen de Navarre jusqu'à la construction de la place-forte de Navarrenx" par Alvaro Adot, professeur d'histoire à Pampelune, membre du laboratoire ITEM (Univ. Pau/Pays de l'Adour) et chercheur à la Casa Velazquez.

- "Les ingénieurs militaires pré-Vauban en Europe" par Hugues Paucot, docteur en sciences chimiques de l'Université de Bruxelles, ingénieur-conseil (UPPA) et vice-président du Cercle historique de l'Arribère.

- "Histoire du fort de Portalet et travaux de restauration" par Bernard Choy, maire d'Aydius (relations transfrontalières Communauté de communes du Haut-Béarn).

Han Izango Dena

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