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Histoire
Le siège raté de Fontarabie : il fâcha fort le cardinal de Richelieu !
Le siège raté de Fontarabie : il fâcha fort le cardinal de Richelieu !
© Manech Barace

| Alexandre de La Cerda 1255 mots

Le siège raté de Fontarabie : il fâcha fort le cardinal de Richelieu !

Notre ami Manex Barace nous rappelle dans l’article précédent cette fête traditionnelle de l’Alarde qui anime Fontarabie/Hondarribia le 8 septembre.

En effet, les habitants d'Hondarribia vénèrent la figure de la vierge de Guadalupe, entourée de maquettes de bateaux et d'autres objets marins, dons des marins en signe de remerciement après un voeu exaucé par la vierge. Tous les ans, le 8 septembre a lieu une romería ou fête champêtre dans les prairies qui entourent le sanctuaire. L'alarde, défilé traditionnel, qui commémore la victoire sur les troupes françaises en 1638, monte jusqu'à l'ermitage, où chaque compagnie en uniforme d'époque effectue une salve en l'honneur de la Vierge.

Le visiteur pourra également profiter de splendides vues sur la baie de Txingudi et sur l'ensemble de fortifications qui se trouvent près du sanctuaire.

L’occasion de revenir sur les événements historiques à l’origine de cette commémoration.

Entre juin et septembre 1638, dans le cadre de la Guerre de Trente Ans, les troupes françaises assiègent la place forte de Fontarabie, ville frontalière située à l'embouchure de La Bidassoa.

On estime que l’'armée française, commandée par le Prince de Condé et Henri d'Escoubleau de Sourdis, était composée de 18 000 soldats d'infanterie et 2000 cavaliers, appuyés par 20 à 30 bateaux de guerre et près de 7 000 marins.

La citadelle de Fontarabie était défendue par environ 1 300 hommes, auxquels s’ajoutèrent les renforts de 15 000 soldats d'infanterie et 500 cavaliers du détachement de Juan Alfonso Enriquez de Cabrera.

Ce serait près de 16 000 boulets qui auraient été tirés par les Français sur les murailles de la ville. À la fin du conflit, il resta environ 300 survivants, principalement des femmes et des enfants. Si la ville était virtuellement détruite, elle ne se rendit pas car le 7 septembre 1638, un détachement de l'armée espagnole dirigé par Juan Alfonso Enriquez de Cabrera, IXe amiral de Castille, arriva au secours de la ville et défit les forces françaises. Cette déroute, considérée comme désastreuse par les Français, fut attribuée par Henri d'Escoubleau de Sourdis à un de ses généraux, Bernard de La Valette, duc d'Épernon, qui avait refusé de diriger une attaque ordonnée par Sourdis, croyant à son manque d'intérêt tactique. Appelé à la cour pour rendre compte de sa conduite, La Valette trouva plus prudent de se retirer en Angleterre. Il fut jugé par contumace. A Fontarabie, l’événement fait toujours l'objet d’une célébration le 8 septembre avec le défilé appelé de l’Alarde.

Il est intéressant, à ce propos, de consulter les Mémoires de Montglat, (pages 71‑72) :

 « Le prince de Condé investit Fontarabie et fit travailler à la ligne, qui fut bientôt achevée, parce que le pays était si rude et si montueux qu’il est aisé d’en empêcher l’abord. La tranchée fut ouverte à la mi-juillet par deux endroits, et les batteries dressées deux jours après. […] Le 8e d’août, les mineurs furent attachés aux bastions […]. En quatre jours les mines furent en état de jouer et le matin, on y mit le feu, qui fit un grand effet car deux bastions sautèrent et les Français se logèrent sur les brèches, en sorte que la ville ne pouvait plus tenir que deux jours ; mais le roi d’Espagne, dès le commencement du siège, avait mis le plus de forces ensemble qu’il avait pu, pour secourir Fontarabie. Le grand prieur de Navarre assemblait un corps à Saint-Joseph ; le marquis de Los-Veles, vice-roi de Navarre, un autre à Tolosette ; et l’amirante de Castille, un troisième à Saint-Sébastien ; lesquels sachant que Fontarabie était à l’extrémité, se joignirent ensemble et marchèrent pour attaquer les lignes. Le pays est fort montueux et rude, car les Pyrénées viennent jusque-là ; et sur le bord de la mer, il y a une petite plaine où est situé Fontarabie, à l’embouchure de la rivière Bidassoa. Un matin, les Espagnols commencèrent à paraître à la descente des montagnes qui donnent à la plaine ; et dès que les Français les aperçurent, ils furent saisis d’une telle épouvante qu’ils se mirent tous à fuir ; et cette terreur panique les pressa tellement que, sans tirer un coup de mousquet, toute l’armée en même temps prit la fuite sans savoir pourquoi et sans que les chefs y pussent donner aucun ordre ; lesquels furent contraints, se voyant demeurés seuls, de se sauver comme les autres ; les soldats, pour aller plus vite, jetant leurs mousquets et leurs piques. Les Espagnols, d’abord, ne surent ce que c’était ; mais enfin, voyant cette déroute causée par un si grand effroi sans sujet, ils entrèrent dans le camp, poussèrent les fuyards et prirent ou tuèrent les plus paresseux. Ainsi, ils sauvèrent Fontarabie sans tirer ni épée, ni mousquet, et furent maîtres sans combattre du canon et du bagage des Français. Ce désordre fâcha fort le cardinal de Richelieu ; lequel ne sachant à qui s’en prendre, à cause que les chefs jetaient la faute les uns sur les autres, déchargea sa colère contre le duc de La Valette, accusé d’avoir fui des premiers ; mais en étant averti, il s’enfuit en Angleterre. Il avait épousé la fille de Pontchâteau, cousin germain du cardinal ; et cette alliance ne le mit pas à couvert, parce qu’il {a} châtiait sévèrement lorsqu’on manquait à son devoir, et n’épargnait non plus ses parents que les autres. Aussi, voyant ce duc échappé de ses mains, il lui fit faire son procès à Saint-Germain, le roi y présidant. Les princes du sang, les ducs et pairs, maréchaux de France et présidents au mortier y assistèrent, et le condamnèrent à perdre la tête, ses charges et ses biens. Si la consternation fut grande en France, la joie ne fut pas moindre en Espagne, où le roi fit faire des comédies durant l’hiver, qui représentaient la déroute des Français devant Fontarabie. »

Note : François de Paule de Clermont, marquis de Montglat, nommé maître de camp du régiment de Navarre après le siège d'Arras, est l’auteur de ces mémoire contenant l'Histoire de la guerre entre la France et la Maison d'Autriche, depuis 1635 jusqu'en 1660. Elles ont paru longtemps après sa mort, en 1727.

Ama Guadalupekoa

Quant à l’origine de ce nom de Guadalupe, on peut le traduire par « val du loup », toponyme composé du mot latin « lupus », signifiant « loup », accolé à l'arabe « guad », qui désigne le lit d'une rivière. On le trouve dans la sierra d'Estrémadure où avait été implanté un monastère à la suite d'une victoire sur les Maures. En 1320, on y avait découvert la statue d’une Vierge noire appelée la Morenita ou Guadalupe. Les souverains espagnols y firent de nombreux séjours, ainsi que Christophe Colomb et de nombreux conquistadores. Cette Vierge de Guadalupe qui avait longtemps guidé la reconquête hispanique sur les Maures infidèles, patronnera plus tard les découvertes du Nouveau Monde.

D’où l'ermitage de Guadalupe au-dessus de Fontarabie qui domine, depuis le XVIe siècle, la baie de Txingudi. Christophe Colomb donnera son nom à la grande île antillaise. Et à Guadalupe près de Mexico, en 1531, la Vierge, sous une forme quelque peu différente, apparut à un Indien ! Son image, si populaire au Mexique, arriva à Biarritz parce que la famille du gouverneur de San Luis de Potosi, Toribio de Ymaz, apporta le tableau de la Vierge au Pays Basque. Un Ymaz, consul du Mexique à Bayonne prêta ce tableau pour des processions à Biarritz et le peintre Steinheil s’en servit pour décorer la Chapelle impériale bâtie par l’impératrice Eugénie qui avait dédié à la Vierge mexicaine de Guadalupe - en guise d’ex-voto - un triomphe (éphémère) des armées françaises au Mexique avant qu’elles n’éprouvent de sérieuse difficultés.

 

Alexandre de La Cerda

 

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