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Cinéma
La critique de Jean Louis Requena
La critique de Jean Louis Requena
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| Jean-Louis Requena 473 mots

La critique de Jean Louis Requena

« Le Redoutable » - Film français de Michel Hazanavicius – 107’

Un matin, dans la cuisine d’un appartement bourgeois de Paris, un couple prend son petit déjeuner avec en fond sonore la radio d’état. Un speaker emphatique décrit la mise à l’eau du premier sous-marin d’attaque nucléaire français : « Le Redoutable ». Ce couple, c’est Jean-Luc Godard (Louis Garrel), cinéaste de 37 ans adulé, et sa jeune compagne de 17 ans, sa cadette Anne Wiazemsky (Stacy Martin). Ils s’aiment. Cependant, le cinéaste est tourmenté par l’échec critique, commercial, de son dernier film La Chinoise (1967) pamphlet politique, teinté de maoïsme, à la gloire du Président Mao Zedong, instigateur, thuriféraire de la grande révolution culturelle chinoise (1966/1976). Jean-Luc n’aime pas Godard et s’enfonce dans des prises de positions esthétiques, politiques de plus en plus agressives, incompréhensibles.

Pour son sixième long métrage, Michel Hazanavicius a adapté le court récit d’Anne Wiazemsky « Un an après » paru en 2015. Son parti pris diffère du livre : l’écrivaine faisait le méticuleux compte rendu de la longue dégradation de son couple soumis a trop de pressions, sollicitations, confusions verbales. De surcroît, son mari est jaloux. Michel Hazanavicius en fait un récit filmique amusant, un peu burlesque, gentiment moqueur et distancé.

Arrivent les « évènements » de mai 1968 qui vont happer Jean-Luc Godard et l’entrainer dans la confusion politique : il brasse sans cesse une phraséologie révolutionnaire à la mode avec son accent de bourgeois vaudois et ses lunettes qu’il perd à toutes occasions (manifestations, bousculades, bagarres). Dans une France paralysée par les grèves, après avoir sabordé le Festival de Cannes, le retour de la Côte d’Azur par la Nationale 7 avec ses amis dont son souffre-douleur, Michel Cournot (Grégory Gadebois), critique qui vient de commettre un film, Les Gauloises Bleus, est hilarant. Ce n’est qu’agressivité et mauvaise foi qui éclatent dans une voiture encombrée par ses passagers.

Les images de Michel Hazanavicius citent, en clin d’œil, Jean-Luc Godard « première manière » (1960/1968) par des plans qui rappellent ses premiers films : A bout de souffle (1960), Le Mépris (1963), Une Femme Mariée (1964), Pierrot le Fou (1965).

Le film a été critiqué au Festival de Cannes 2017 ou il concourrait en « Compétition Officielle ». Naturellement, il est repartit bredouille. On ne se moque pas, même affectueusement, de l’icône cinématographique qu’est Jean-Luc Godard. Si ce dernier reste encore, de temps à autre, un créateur de formes plastiques, l’ermite de Rolle (Suisse, canton de Vaud) est un cinéaste ambiguë. Mais l’ambiguïté n’est-elle pas une des sources de l’art en général et du cinéma en particulier ?

A partir d’un matériau brut, un récit littéraire, Michel Hazanavicius (50 ans) nous propose un film plaisant d’un monde ancien, un demi-siècle, qu’il n’a pas connu mais qu’il reconstitue à travers le prisme de sa fantaisie, de sa cinéphilie. Cela suffit, par ces temps, à notre bonheur amusé de spectateur.

Jean Louis Requena

 

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