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Histoire
De Bayonne à Saubusse et Dax : gabarres, galupes et galuperie
De Bayonne à Saubusse et Dax : gabarres, galupes et galuperie
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| Yvan Bareyre et Alexandre de La Cerda 840 mots

De Bayonne à Saubusse et Dax : gabarres, galupes et galuperie

Yvan Bareyre, bien connu dans le domaine musical gascon grâce à la chorale « Lous Cantayres de Came » qu’il avait fondée il y a plus de quarante ans, et à ses émissions gasconnes « Adishatz Mundo » sur les antennes de Radio Adour Navarre, est également très actif dans la préservation du patrimoine culturel du Bas-Adour. Il nous a ainsi rapporté que l’association Val d’Adour Maritime -VAM, présidée par Maurice Lamy, puis par Barthélémy Savary, avait organisé, il y a quelques années, la construction d’une gabarre de l’Adour. Ce bateau de transport à fond plat et très peu de tirant d’eau, était capable de descendre vers Bayonne une charge de 50 tonnes de pierre de construction venant de Bidache. Appelée ici galupe, elle est l’exacte réplique des modèles ayant navigué sur le fleuve jusque dans les années 30. Ce bateau avait été construit en 1998 dans les anciens locaux de la régie des fêtes de Bayonne aujourd’hui disparus, dans le cadre d’un chantier d’insertion. Elle était amarrée, selon les circonstances, soit au port d’Urt, soit au port de Guiche où a été son terminus. Sans destination définie, et après quelques réparations aléatoires, la galupe était devenue un sujet problématique pour l’association VAM du président Savary.

Après avoir étudié quelques hypothèses de valorisation, une proposition d’acquisition est venue de la commune landaise de Saubusse. Cette commune portuaire sur l’Adour, est forte de compétences batelières de haut niveau. Après une opération de consolidation et d’étanchéisation, la galupe de 15 tonnes à vide a rejoint le fleuve ce lundi après une opération menée avec beaucoup de puissance matérielle et une grande dextérité. Elle allait voguer ensuite vers le port de Saubusse, où elle devrait trouver une nouvelle vie.

Un peu d’histoire

Sur les berges de la Nive à Bayonne, au temps où les arceaux des quais sur la Nive plongeaient directement dans l'eau de la rivière, une animation extraordinaire régnait parmi les métiers des chantiers navals et de la batellerie, charpentiers de navires, galupiers, avironniers et tonneliers réunis en corporations. Depuis le Moyen-Âge, ils avaient coutume d'accompagner en armes la procession de la « fête du Sacre » ou Fête-Dieu avec leurs habits et leurs étendards.

Le terme de galupier provient de la galupe, cette embarcation de la famille des gabarres

Galupe et galupier ont donné leur nom au quai Galuperie. En fait, le terme « galupe » désignaient jusqu’au XVIIIe siècle, aussi bien un bateau de pêche que de transport sur les Gaves et sur l’Adour. C’était l'appellation gasconne des anciennes gabarres. Cette barque à fond plat était utilisée pour le transport fluvial dans les Landes de Gascogne jusqu'au début du XXe siècle. Construites en chêne, les galupes mesuraient de dix à vingt-cinq mètres de long sur quatre à cinq mètres de large, pesaient quinze à vingt tonnes et pouvaient emporter jusqu’à soixante-dix tonnes de marchandises. La poupe, de forme carrée et relevée, offrait un abri de fortune. La forme de la proue, pointue et relevée, facilitait l'accostage.

Leur fond plat et leur faible tirant d'eau permettaient d’éviter le piège des hauts-fonds sablonneux des rivières ; et leur partie arrière, carrée et relevée, portait un long aviron de queue en guise de gouvernail, et sous son pont, un abri habitable, l'escapuchote.

Les galupes descendaient la rivière en s’aidant du courant et la remontaient au halage. Les plus grands modèles étaient équipés de bancs fixes, utiles pour les manœuvres. Plus rarement, certains modèles étaient munis de voiles.

La descente en trois jours de la Midouze et de l’Adour depuis l'ancien port de Mont-de-Marsan, facile et peu onéreuse, s’effectuait via Tartas et Dax jusqu’au port de Bayonne. La remontée était plus compliquée : tirée « à cordelle » depuis le chemin de halage par des bœufs, le bateau exigeait parfois d’énormes avirons.

Les galupiers (c’est-à-dire les bateliers qui naviguaient sur des galupes) et qui ont donné leur nom au quai Galuperie à Bayonne étaient groupés en confréries qui tenaient assemblée au cloître du couvent des Cordeliers sur l'emplacement duquel sera édifié l'Arsenal.

Préposés au transport fluvial des marchandises, galupiers et gabarriers avaient parfois mauvaise réputation car certains avaient l'habitude de prélever une petite dîme, une "pugnè" ou poignée sur les vivres qui leur étaient confiés. En particulier le jambon qui était transporté sur les Gaves et l’Adour jusqu'à Bayonne, son lieu de commercialisation et d’expédition. Cependant, devant la difficulté de soustraire un seul cuissot, aussi petit soit-il, dans la mesure où ces belles pièces étaient soigneusement comptées et pesées lors du chargement à Mugron, Hinx ou Dax et vérifiées à l'arrivée à Bayonne, les gabariers inventèrent donc de découper dans des jambons bien sélectionnés pour leur qualité (et ils s'y connaissaient, les ladres !) un beau talhuc (ou morceau) de plusieurs livres.

Et comment ces voleurs maquillaient-ils leur forfait ? En comblant aussitôt le vide par de la terre glaise soigneusement modelée. Ainsi le jambon reprenait-il sa forme et son poids primitif... Mais le subterfuge était inévitablement découvert par le malheureux destinataire qui ne manquait pas d'ester en justice, ce qui valut aux indélicats transporteurs le surnom peu honorable de pane yambouns (vole-jambon).

 

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