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Cinéma
Critique cinéma de Jean-Louis Requena
Critique cinéma de Jean-Louis Requena
© DR

| Jean-Louis Requena 590 mots

Critique cinéma de Jean-Louis Requena

Le Musée des Merveilles - Film américain de Todd Haynes – 117’

Après son magnifique film de 2015, Carol, sur l’amour de deux femmes dans les Etats-Unis compassés, conformistes, de l’administration Eisenhower, Todd Haynes, nous propose son dernier opus également ambitieux dans sa forme comme dans son fond.

1977 : Ben (Oakes Fegley) est un jeune enfant qui vit avec sa mère à Gunflint (Minnesota). Son père a disparu depuis des années et l’enfant dans sa quête découvre un court texte énigmatique : « nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles ». Suite à un accident singulier (coup de foudre), Ben devenu sourd, décide de partir seul à New-York à la recherche de son père, sa mère ayant disparu dans un accident de la circulation.

1927 : Rose (Millecent Simmonds), fillette sourde, solitaire, amoureuse du cinéma, quitte Hoboken (New Jersey), où elle vivait avec son père, pour Manhattan, à la recherche de sa mère star d’Hollywood, Liliam Mayhew (Julianne Moore), qui se produit à Broadway dans un théâtre. Son périple dans cette mégapole enfiévrée à la veille de la grande dépression économique de 1929, la mènera jusqu’au Musée d’Histoire Naturelle de New-York. C’est dans ses couloirs, au milieu d’une foule bigarrée, devant les représentations culturelles du passé, à 50 ans de distance dans le temps, mais dans le même espace, que les parcours de Ben et Rose se rejoignent.

Le film raconte les itinéraires initiatiques de deux enfants sourds, à la vue acérée, qui traversent, malgré un lourd handicap, le monde sonore qui les environne. Le metteur en scène, aidé de son scénariste Brian Selznick, auteur du roman graphique Wonderstruck, dont le scénario est issu, effectue un travail de mise en image et de son remarquable : l’histoire de Rose est tournée en noir et blanc selon les canons de l’époque du cinéma muet qui s’achèvera en octobre 1927 avec la projection du « Chanteur de Jazz » (premier film parlant dans l’histoire du cinéma mondial). Les séquences consacrées à Ben sont en couleurs « éclatantes », filmées selon les « règles » du « Nouvel Hollywood » (longues focales, zooms, panoramiques sur les personnages, etc.).

Todd Haynes va encore plus loin dans la représentation de l’univers cinématographique qu’il nous propose puisqu’il crée autour de ses deux personnages des univers sonores qui leurs sont propres : Space Oddity de David Bowie pour Ben, la version jazz- funk d’Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss par Eumir Deodato pour Rose.

Rose, sourde de naissance, a appris le langage des signes mais pas Ben qui ne l’est que depuis son accident. Tous deux communiquent avec les personnages qu’ils rencontrent par des écrits simples qu’ils griffonnent rapidement sur leurs carnets. Ce type d’échange au demeurant très cinématographique ajoute du suspense au récit : en définitive qui est qui ?

Le Musée des Merveilles n’est pas un film pour les enfants, mais un film sur l’enfance, sur la quête d’identité : d’où venons-nous, qui nous a précédés dans ce vaste monde, où allons-nous, dans cet univers peuplé d’étoiles qui s’étire de l’infiniment petit, nous, à l’infiniment grand, le cosmos ?

A nouveau, par ce long métrage ambitieux, le cinéma américain « indépendant » montre sa vitalité. Todd Haynes, qui n’a réalisé que huit longs métrages en trente ans, en est le parfait exemple.

Son nouvel opus, comme les deux précédents I’m Not Here (2006) biopic déconstruit du chanteur Bob Dylan et Carol (2015) sur les amours interdites dans l’Amérique puritaine, est en tout point remarquable, même si Le Musée des Merveilles, pour notre part, souffre de quelques séquences un peu longues en son milieu.

Jean-Louis Requena

 

 

 

 

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