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Architecture
Col d’Osquich : la chapelle Saint-Antoine à l’histoire tourmentée !
Col d’Osquich : la chapelle Saint-Antoine à l’histoire tourmentée !
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| Alexandre de La Cerda 1225 mots

Col d’Osquich : la chapelle Saint-Antoine à l’histoire tourmentée !

Dimanche 30 septembre dernier, le jeune et dynamique maire de Béguios Didier Irigoin, particulièrement enraciné dans l’action locale – il est, entre autres, premier vice-président de l'Agence Publique de Gestion Locale, un syndicat mixte créé par et pour les collectivités basco-béarnaises, et copréside également l’association « La France des territoires » destinée à « rompre l’isolement des élus » -, avait convié nombre de ses collègues et amis politiques à une journée au col d'Osquich. Didier Irigoin inaugurait la partie « débats » de la réunion par une solide et enthousiaste déclaration où il « disait ce qu’il avait sur le cœur » en matière de situation politique actuelle. Après l’apéritif pris dans le magnifique trinquet qui jouxte le restaurant où suivait un repas convivial préparé par Pantxo Idiart dans son hôtel-restaurant du col d’Osquich récemment rénové et réputé pour sa proximité avec les palombières pratiquant la chasse aux filets, les nombreux participants parmi lesquels on notait la présence de nombreux élus (dont le sénateur Max Brisson) entamèrent l’ascension vers la proche chapelle Saint-Antoine où ils entonnèrent en basque un superbe « Agur Jaunak ». Le vif succès de cette journée fait envisager son renouvellement dans les années à venir, chaque dernier dimanche de septembre.

L’occasion de rappeler l’intéressante histoire – déjà liée à des épisodes politiques agitant l’ancien royaume de Navarre - de cette chapelle Saint-Antoine qui domine la contrée entre Soule et Basse-Navarre. Une chapelle qui est d’un accès aisé : sur la D 918 entre Mauléon et Larceveau, à proximité immédiate du col d’Osquich, au niveau d'une courbe de la route, une esplanade destinée à garer les voitures donne accès à une petite route goudronnée se transformant en une piste empierrée qui mène au monument à travers les pacages occupés par les troupeaux de brebis manech à tête noire. La chapelle est toujours bien visible depuis la route, c’est une promenade facile et pas fatigante. Une fois parvenu sur la hauteur, on dispose d’une magnifique vue alentour, en particulier le pic d'Elaudy et ses flancs réguliers bien visibles au Sud-Est.

Pour le salut du royaume de Navarre !

L’endroit où la chapelle Saint-Antoine fut construite vit en 1385 la réconciliation des seigneurs de Gramont et de Luxe (Pays de Mixe), obtenue par le roi de Navarre Charles II dit le Mauvais.

Né à Évreux en 1332, mort à Pampelune en 1387, ce comte d'Évreux aura régné sur la Navarre de 1349 à 1387, sous le nom de Charles II. Il était le fils de Philippe III de Navarre, de la maison d'Evreux, et de Jeanne II, fille du roi de France et de Navarre, Louis X le Hutin, et n'aura de cesse d'intriguer contre la France dont il s'estimait héritier par sa mère, quitte à s'allier aux Anglais, et contre Gaston Febus de Foix-Béarn qu'il essaya d'empoisonner. C'est la raison pourquoi les Français le surnommèrent « le Mauvais », d’autant plus qu’il avait été à l’origine de l’assassinat du Connétable Charles de La Cerda, favori du roi de France Jean le Bon : c’était le neveu de l’amiral Louis de La Cerda, dont descend l’auteur du présent article...

Et c’est donc à l’endroit où s’était déroulée la réconciliation des seigneurs de Gramont et de Luxe (Pays de Mixe), obtenue en 1385 par le roi de Navarre Charles II, et afin d’officialiser la paix entre ces deux grandes familles navarraises constamment en lutte, que cette chapelle fut édifiée par les deux partis belligérants…

Or, elles n’étaient pas rares, au Moyen-âge, ces luttes de clans qui se partageaient les vallées du Pays Basque : par exemple les Oñacinos, avec entre autres le grand père de Saint-Ignace de Loyola, s’affrontaient avec les Gamboïnos qui avaient enrôlé les Alzate d’Urtubie et les Sault de Saint-Pée sur Nivelle. Mais, en l’occurrence, Charles II de Navarre avait compris que les luttes des clans navarrais menaçaient son royaume. Car, les luttes intestines attisent toujours l’appétit des voisins, et leur donnent de mauvaises idées… C’est une vérité éternelle, incarnée par Raminagrobis dans la fable de La Fontaine. Or, le royaume de Navarre se trouvait coincé d’une part entre la France, et d’autre part, la Castille et l’Aragon qui, plus tard réunis, formeraient le noyau de la future Espagne, union qui menacera la Navarre. Et Charles II de Navarre avait vu juste pour son royaume : l’histoire lui donnera hélas raison, car il ne faudra pas deux siècles pour que les luttes des factions navarraises entre elles (les seigneurs de Luxe s’allieront aux Beaumont au XVIe siècle) amènent le démembrement de la Navarre.

Ainsi, de 1456 à 1517, le chef de la faction beaumontaise, Louis II de Beaumont, connétable de Navarre, s’approprie Pampelune avec ses partisans. Ennemi irréductible des Gramontais et des rois de Navarre, allié politique de Ferdinand d'Aragon dont il a épousé la sœur naturelle, Beaumont favorisera la pénétration castillane en Navarre qui sera pratiquement conquise en 1512. La dynastie légitime des Albret perdra ainsi la plus grande partie de son royaume, désormais aux mains des Espagnols.

Jeanne d’Albret et son fils Henri III de Navarre - qui deviendra Henri IV quand il montera sur le trône de France - n’héritèrent qu’une petite partie de ce qui fut un des grands royaumes de la Chrétienté au moyen-âge, c’est-à-dire notre Basse-Navarre actuelle, ultra-montes, de derrière les montagnes, que Charles Quint avait renoncé à garder lors de sa conquête définitive en 1523. Curieusement, il avait été question pour le gouvernement navarrais – auquel avaient emboîté le pas quelques élus locaux, en Basse-Navarre - de fêter en 2012 « le 5e centenaire de l’intégration de la Navarre dans l’Espagne »… Or, il ne paraît guère opportun, pour notre part, de se réjouir de la perte de l’indépendance d’un des plus vieux royaumes chrétien d’Occident, mais ceci est une autre histoire !

Pour en revenir à la chapelle Saint-Antoine, elle fut remaniée au XIXe siècle par le curé du village qui faisait partie de la famille de Menditte. Un excellent but de promenade et, tout près, deux restaurants qui, eux aussi, disposent d’une vue splendide et offrent à la dégustation d’excellentes palombes…

Des chevaliers d’Urtubie, de Garro et d’Ostabat en Albanie

On ne se doute pas des équipées lointaines qui entraînèrent parfois nos ancêtres loin de leurs royaumes d’origine. Ainsi, après que Gaston Febus, le « comte soleil » béarnais, eut combattu les Païens dans les rangs des Chevaliers Teutoniques (en 1356, en Prusse et jusqu’en Lituanie), ce sont plusieurs compagnies de soldats originaires de Navarre et de Gascogne qui furent engagées au service de Louis d'Évreux, frère cadet du roi de Navarre Charles II et prétendant par sa femme Jeanne, fille de Charles de Durazzo, au royaume d'Albanie. Commandés par Pes de Laxague, seigneur d’Ostabat et gendre de Louis d'Evreux, Jean d'Urtubie et un seigneur de Garro, ils participèrent à la prise de Durazzo en 1376 mais la mort de Louis d'Évreux au cours de la même année laissa ces soldats désœuvrés, avant qu’ils ne s’engagent, sous la conduite de Jean d'Urtubie, dans une campagne en Grèce où ils conquirent Thèbes et Livadia. Il était dès lors logique qu’en mémoire du seigneur d’Ostabat, l’ikastola d'Oztibarre retrace cette « exotique » épopée au cours de deux journées programmées ces vendredi 5 octobre (à 20h30, projection du film « La conquista de Albania » tournée en 1983 par le réalisateur Alfonso Ungría) et samedi 6 octobre (à 20h30, rencontre avec le maire de Pampelune/Iruñea Joseba Asiron, également auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la Navarre).  

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