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Conférence
Ce samedi, ne ratez pas la saga des marquis d’Arcangues à Arnaga
Ce samedi, ne ratez pas la saga des marquis d’Arcangues à Arnaga
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| atolstoi 1428 mots

Ce samedi, ne ratez pas la saga des marquis d’Arcangues à Arnaga

Ce samedi 20 mai à 14h30 à l’Orangerie de la Villa Arnaga à Cambo, j’aurais le plaisir de donner une conférence sur « La famille d’Arcangues et l’œuvre poétique des marquis ». Ma conférence sera suivie à 15h15 de la lecture par le comédien Quentin Ostanel de quelques poèmes de Pierre et de Guy d’Arcangues : leur œuvre littéraire fait partie du patrimoine culturel français et basque.

Il est peu d'exemples dans l'histoire des vieilles familles de France (et surtout, de Navarre) qu'une seule et même lignée se confonde aussi étroitement avec son château et le village, depuis plus de huit siècles. Un seigneur d'Arcangues et de Curutcheta laissa-t-il son nom, au XIe siècle, à ses terres et au village qui s'y forma, tout comme le nom originel de Beiarritz eut ainsi désigné le domaine d'un certain Beiar, de même à Baigorri, la Nive était peut-être moins "rouge" (ibaï gorri) qu'il n'y paraissait ? Des générations de linguistes et d'experts en toponymie continueront de s'affronter, tant que couleront les "latxia" basques, et qu'ils arroseront des "Latché", présidentiels ou non !

Mais une chose est (presque) sûre : quand on entre à l’église d'Arcangues, une inscription murale de la chapelle des Marquis fait mention d'un Sancos d'Arcangues dès 1150. Depuis lors, la dynastie des Arcangues y assura la pérennité des demeures qui furent patiemment réédifiées au gré des caprices et des aléas de l'histoire, et du remarquable entêtement des Arcangues : alors que tant d'autres s'usèrent jusqu'à éteindre leur lignée aux Croisades, dans d'aventureux conflits, ou abandonnèrent leurs terres pour servir la monarchie à Versailles, les leurs, "ni guerriers ni courtisans, firent passer leur attachement à la terre des ancêtres avant tous les mirages et promesses de gloire ou de fortune". Car, c’est bien dans leur fief que les seigneurs d'Arcangues ont acquis de l’importance en devenant procureurs du roi et cette charge appartiendra à la famille dès 1614, jusqu’à Gaspard d'Arcangues, le dernier membre de la famille à l’occuper de 1714 à 1749.

Toutefois, Madrid étant peut-être plus proche que Versailles, n'est-ce pas de Charles III d'Espagne, dont il fut le ministre des Finances, que Simon d'Aragorry d'Arcangues reçut en 1769 le titre de marquis d'Iranda, reconnu une douzaine d'années plus tard par Louis XVI qui recherchait l'alliance espagnole dans le conflit qui l'opposait à l'Angleterre à propos des "Insurgés" d'Amérique ? Car, c’est par Rose d'Aragorri (épouse de Michel d'Arcangues, seigneur d'Arcangues et de Curutcheta, baptisé à Bayonne en 1719, capitaine des milices provinciales du Labourd) que le titre de marquis espagnol d'Iranda était passé à leur fils Nicolas François Xavier d'Arcangues (Arcangues, 1753 - Saint-Pierre-d'Irube, 1826). Le port de ce titre fut autorisé en France, à titre viager, en avril 1781 par lettres patentes de Louis XVI.

Plus tard, les fastes du Second Empire à Biarritz donnèrent aux Arcangues l'occasion de s'illustrer : plusieurs générations de Marquis d'Arcangues aidèrent puissamment au renom, et partant, au développement touristique de Biarritz et de la région, dont ils furent d'exceptionnels amphitryons.

Déjà, après la désastreuse aventure en Espagne quand, au château, le lit qui reçut d'abord Napoléon en 1807, fut obligé d'accueillir six ans plus tard le vainqueur de Soult, Wellington, le marquis Nicolas-François-Xavier d'Arcangues fit des remontrances à l'occupant sur les déprédations commises au village par ses troupes : le "Lord" lui fit don d'une cafetière en argent et, plus tard, les petits-fils de ses soldats, qui avaient "découvert" le pays au gré de la retraite de la Grande-Armée, sont revenus pacifiquement peupler une villégiature à la mode, dans le sillage du prince de Galles, futur Edouard VII et grand ami du marquis Michel d'Arcangues, avec lequel il partageait la même corpulence et la même joie de vivre ! C’est lui qui s’est rendu célèbre sur une photo publiée en une par « L’Illustration » où on le voit menotté par les gendarmes pour s’être opposé aux « Inventaires » des biens ecclésiastiques de 1906. La population craignant le pillage, s'opposa aux forces de l'ordre ; le maire Michel d'Arcangues sera arrêté. C’était à cause de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat… Votée le 3 juillet 1905 et promulguée en décembre, cette loi était l’aboutissement d’une dégradation progressive des relations de l’Etat avec l’Eglise catholique. Les « inventaires » devaient dresser la liste et faire l’estimation des objets du culte et du mobilier des églises avant qu’ils soient transmis aux associations cultuelles qui en seront les nouveaux dépositaires. Mais, les fidèles assemblés manifestent leur volonté de ne pas céder à la force légale, du moins sans avoir défendu activement ou tout au moins symboliquement l’église, bâtiment sacré, en empêchant l’inventaire des objets qu’elle contenait…

Le fils du marquis Michel d'Arcangues, Pierre, continua la tradition d'accueil des souverains, particulièrement le roi d'Espagne Alphonse XIII, pour qui il organise en 1922 une des plus somptueuses fêtes jamais donnée sur la côte, "Le bal Second Empire" mis en scène par Worth, Poiret, Jean-Gabriel Domergue, etc. Mais surtout, parcouru lui-même par la fibre littéraire, il fera de son château un salon où se retrouvent toutes les gloires artistiques, Rostand, Loti, Ravel, Stravinsky, Guitry et bien d'autres, jusqu'à Cocteau avec lequel il organise en 1949 un "festival du film maudit".

Mais auparavant, le second conflit mondial, s'il n'affecte pas la demeure, touchera la nouvelle génération des Arcangues...

En 1940, son père et son frère aîné étant encore mobilisés, le jeune Guy, âgé de seize ans, doit "recevoir" et loger une vingtaine d'officiers accompagnant trois cents hommes des troupes d'occupation. Très inquiet, car il pense que les soldats vont tout voler, piller, brûler peut-être, le jeune homme conduit le général allemand au salon, et lui montrant la cafetière offerte par Wellington, lui rappelle que les occupants anglais en 1813 n'ayant rien emporté, avaient même laissé ce "cadeau" en partant... Sans doute à cause des activités de Michel, son frère aîné, qui entretint une filière d'évasion en Espagne avant de rejoindre l'Angleterre et combattre dans les rangs de la 2e DB de Leclerc, la Gestapo arrête le Marquis d'Arcangues et son fils Guy, accusés d'aider la résistance.

Après leur incarcération commune au Fort du Hâ, Guy d'Arcangues accepte de se laisser déporter en Silésie à la place de son père, à qui il fera dire plus tard, au frontispice de son roman "Le Silésien":

                      " Je t'ai donné la vie,

                        Tu m'as rendu la liberté,

                        Nous sommes quittes."

De fait, rentrant de captivité et ne s'entendant guère avec sa mère, très autoritaire, il prend définitivement son envol vers la liberté, en pigeant pour l'Aurore, Paris-Presse et France-Soir avant de devenir grand reporter à Paris-Match et Jours de France, puis rédacteur en chef de la revue Adam, du groupe Condé-Nast, à laquelle il donnera une tournure très "moderniste".

Son plus grand bonheur aura été d'y faire écrire Vialatte, d'Ormesson, Nourissier, François-Régis Bastide, et collaborer comme illustrateurs Buffet, César, Goude, etc...

Guy d’Arcangues, qui s’investit dans la presse après sa captivité en Allemagne. Les plaisirs de la vie nocturne parisienne, les soirées chez Castel, volonté d'étourdissement et de volupté après les horreurs de la guerre, ne l'empêchaient nullement, le matin, après s'être rafraîchi, d'entreprendre ses travaux journalistiques et littéraires, publiant dès 1954 chez Seghers " Dix-sept poèmes à la craie de lune ".

" Madame Petit Soldat " lui vaudra en 1975 un prix de l'Académie Française, tout comme l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse primera en 1982 ses " Châteaux de plâtre ".

Parallèlement, Guy d’Arcangues continuera de travailler au service de Biarritz en tant que directeur artistique du Casino Bellevue ; il engagera de gros travaux afin de sauver des termites le château ancestral et, en sportif accompli, créera un golf dans sa propriété. Champion de France de pelote basque à pala ancha en trinquet en 1941, avec son frère Michel) Guy d’Arcangues avait commencé à jouer au golf de Chiberta à l’âge de sept ans, et gagna maintes compétitions internationales avec l'équipe de France dont il fut le capitaine de 1960 à 1965. Mais l'écriture resta sans doute sa vraie passion.

Actuellement, la relève est bien assurée en la personne de son fils Michel, partagé lui aussi entre la demeure de ses ancêtres et l'écriture. Une association des Amis du château d'Arcangues a été constituée à cet effet sous le parrainage de son ami Alain Malraux, le fils adoptif de l'écrivain. La musique classique y a toute sa place, "tradition oblige" grâce au remarquable piano demi-queue Bechstein de 1915 que Michel d'Arcangues a restauré et sur lequel ont joué Ravel, Stravinsky, Henri Sauguet, Ermend-Bonnal, Cortot, Rubinstein, Ricardo Viñes, et bien d’autres…

Alexandre de La Cerda

 

 

 

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