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Tradition
A Dax comme au Pays Basque : le martyre de Marguerite Rutan
A Dax comme au Pays Basque : le martyre de Marguerite Rutan

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A Dax comme au Pays Basque : le martyre de Marguerite Rutan

Les éphémérides nous rappellent l’assassinat à Dax le 9 avril 1794, par la révolution française, de la sœur de la Charité Marguerite Rutan, première supérieure de l’hôpital de Dax, devenue bienheureuse, vierge et martyre. L’occasion de revenir sur cet épisode encore peu connu de la Terreur qui s’était abattue à cette époque sur nos contrées.

Marguerite Rutan était née à Metz le 23 avril 1736. Sa famille, nombreuse (15 enfants), était fort modeste. Entrée chez les filles de la Charité en 1757, Marguerite se rendit à Pau cinq mois après son noviciat pour diriger, à la demande de l’évêque, l’hôpital qu’il construisait dans sa ville. Pour relever ses finances, l’hôpital lui confia rapidement,  la direction de la manufacture des enfants trouvés, en plus de sa mission auprès des malades. Elle fut ensuite envoyée à Dax avec cinq autres sœurs. En 1793, sœur Marguerite devient la première supérieure de cet hôpital.

Après la suppression des ordres religieux, les sœurs de Saint Vincent de Paul changèrent leur nom en celui de Dames de la Charité et continuèrent avec le même dévouement le service des pauvres. Le 3 octobre 1793, les religieuses eurent à choisir : prêter serment à la Constitution ou être expulsées. Toutes refusèrent de jurer. Les services qu’elles rendaient aux pauvres et aux malades de la ville étaient tels qu’on n’osa pas tout d’abord demander leur renvoi. La Terreur cependant, s’était installée à Dax : la maison des Capucins et celle des Carmes avaient été transformées en prison.

A la fin de l’année, Sœur Marguerite fut accusée d’avoir « par son incivisme, cherché à corrompre et à ralentir l’esprit révolutionnaire et républicain » (des militaires en traitement à l’hôpital) et fut envoyée à la maison de réclusion des Carmes. On avait trouvé chez elle des papiers compromettants : des prières, et des lettres des défunts hospitalisés qu'elle devait garder pour leurs familles. Le 24 décembre 1793, elle fut enfermée à la prison des femmes ; elles étaient 300 au Couvent des Carmes. Pendant six mois, elle y soutiendra moralement et soignera ses codétenues, attendant courageusement une mort prévisible. Le 8 avril, la commission extraordinaire fit comparaître la religieuse, ainsi que le père de Lannelongue, curé de Gaube et prêtre réfractaire. Les tambours couvraieent ses paroles de défense. Sentence de mort immédiate prononcée. Dès le lendemain 9 avril 1794, le curé de Gaube et Sœur Rutan, liés dos à dos, passaient rue Cazade. Elle donna son mouchoir et sa montre à deux dragons qui pleuraient. Les fenêtres étaient closes en signe de deuil, seul un enfant lui sourit entre deux volets. Sœur Marguerite a chanté le magnificat le long du trajet ; elle a osé regarder en face la mort d'un innocent, et, par pudeur, a repoussé courageusement le bourreau. Celui-ci, exaspéré, se vengea lâchement par deux soufflets à la tête décapitée et fouetta le corps de la martyre.

Un an plus tard, le directoire du district déclarait : « La commune de Dax regrettera longtemps cette femme vertueuse qui, par caractère tenant à son opinion religieuse, a été inhumainement sacrifiée sur des motifs dont la preuve reste encore à acquérir». Le 9 avril 1905, date anniversaire de son exécution, un acte civil solennel de réparation avait eu lieu en sa mémoire et le 1er juillet 2010, le pape Benoît XVI avait autorisé la publication du décret du martyr en haine de la foi de Marguerite Rutan, dernière étape avant la béatification qui fut célébrée à Dax en juin 2011.

Au Pays Basque : les contrebandiers de la Foi 

Le Pays Basque ne fut guère exempt de ces terribles persécutions antireligieuses qui s’accentuèrent à partir de 1792, en particulier à la suite de la proclamation le 17 septembre de l'acte de bannissement du 26 août 1792 qui exila les prêtres insermentés au milieu de nombreuses vexations. La violence emporta ainsi l'abbé François Dardan originaire d’Isturitz qui fut massacré à la prison des Carmes, à Paris, avec les autres confesseurs de la Foi, le 2 septembre 1792. La loi de déportation du 26 août condamnait les prêtres à sortir de France dans un délai de quinze jours, sous peine d’être déportés en Guyane et passibles de dix années de détention. Les prêtres basques émigrés optèrent en général pour l'Espagne : le diocèse de Calahorra reçut alors mille cinq cent clercs. Il y en eut cependant qui passèrent en Angleterre, en Hollande et en Allemagne. Cependant, beaucoup de prêtres se cachèrent grâce à la complicité des populations qui leur étaient dévouées et, en véritables contrebandiers de la foi utilisant la frontière comme zone de repli, ils exercèrent au péril de leur vie, un ministère clandestin, tout comme les benoîtes qui, elles non plus, ne furent guère épargnées des révolutionnaires. Le Biarrot d’Albarade, ancien ministre de la Marine sous la révolution, se justifiera plus tard d’avoir tenté d’adoucir le sort des « prêtres insermentés déportés à la Cote d’affrique entre les 28 et 32 degrés de latitude Nord par décret de la Convention Nationale »

Le comble des persécutions fut atteint avec la déportation des Basques du Labourd et des confins bas-navarrais en ce tragique mois de février 1794, lorsque par un froid intense, le long cortège des suppliciés de la révolution s’étira jusque des contrées éloignées – au Cantal et en Lauraguais - accompagné de charrettes où l'on avait jeté pêle-mêle ceux qui ne pouvaient marcher par eux-mêmes : vieillards, femmes en train d’accoucher, enfants en bas-âge et grabataires. Soumis à des travaux forcés, publics ou chez les particuliers, les rares survivants ne furent autorisés à rentrer au Pays Basque que huit mois plus tard, pour trouver leurs maisons dévastées, pillées et brûlées, la terre en friche ou les récoltes volées, les bourgs vidés de leur population. La ruine était totale. Elle provoqua un appauvrissement dans le pays, cause d’émigration de générations de jeunes basques, une décadence de l'esprit civique et, partant, une atonie dans la vie politique au XIXe siècle (on lira à ce sujet mon livre « La déportation des Basques sous la Terreur » publié aux éditions Cairn, 168 pages, 14€).

Alexandre de La Cerda
Photo : La béatification de Marguerite Rutan à Dax en juin 2011

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