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Histoire
5 août 1949 : Raphaël Dachary, dit Léon, élu roi de Bayonne & des environs
5 août 1949 : Raphaël Dachary, dit Léon, élu roi de Bayonne & des environs
© Michel de Barbeyrac

| Alexandre de La Cerda 838 mots

5 août 1949 : Raphaël Dachary, dit Léon, élu roi de Bayonne & des environs

Dans le fil de la tradition illustrée naguère par Luis Mariano, c’est le chef Christian Etchebest (qui avait débuté au Grand Hôtel de Saint-Jean-de-Luz et au Miramar à Biarritz avant d’être désigné au jury de MasterChef sur TF1) qui a lancé mercredi soir la première des trois clés des Fêtes de Bayonne, suivi de Céline Dumerc (multi-sélectionnée de l’équipe de France de basketball) et de la journaliste luzienne Anne-Sophie Lapix (qui présentera le journal télévisé de 20 h sur France 2 à la rentrée prochaine). Présentes également, la Croix Rouge, la Peña Or Konpon, la Société nautique et l’Harmonie bayonnaise qui a lancé la cérémonie, ainsi que l’écarteur landais(e) Caroline Larbère qui a lu la salutation en gascon et Gorka Robles pour celle en euskara, mais hélas sans bertsulari, une absence regrettable pour les festivités de la capitale du Pays Basque !

Mais qui était donc Léon, le « roi des Fêtes de Bayonne » ?

D’après ses hagiographes officiels du comité des fêtes, il s’agissait de Léon Dacharry. Figure bayonnaise des années cinquante et interprète (très amateur, ndlr) de répertoire lyrique, Léon était commis-vendeur chez Velten, un magasin d'imperméables des bords de Nive disparu depuis lors. Parce que les jeunes Bayonnais en avaient assez de la reine des fêtes, la banda des Batsarous, créée en 1950 au bistrot « Le Jockey Club » par son animateur Jacques Simonet afin de « déchirer le voile de tristesse qui recouvrait la bonne ville de Bayonne et ranimer une vraie gaieté à la gasconne », proposa un roi. Le 5 août 1949, Léon Dacharry fut proclamé « Roi de Bayonne ». Et la chanson « Oh Léon, Léon, Léon » fit le tour de l’hexagone jusqu’à figurer même dans le film vedette de Robert Dhéry « Allez France ! ».

Michel de Barbeyrac qui lui a consacré un livre (éditions Lavielle, 1986) y reproduit l’article paru le lendemain dans la rubrique locale du « Courrier » :

« M. Léon Dachary élu roi des fêtes.

C'est hier soir, dans une ambiance extraordinaire qu'a eu lieu rue Port-de-Castets, devant le Cabaret de la « Casa de Pepe », l'élection du Roi des Fêtes de Bayonne.

On se souvient qu'un groupe de jeunes Bayonnais, jaloux que l'on nomme toujours une Reine à Bayonne voulurent, comme les grenouilles de la fable, s'offrir un Roi. Mais pas un Roi pour rire, un vrai de vrai. La compétition fut très serrée. Quatorze concurrents défilèrent sur l'estrade, mollets au vent, le buste avantageux, portant fièrement leur numéro dans le plus pur style des « pin-up girls ». Les favoris de l'épreuve M. Léon Dachary, employé de M. Velten, et M. Gabriel Castel, plus populairement connu sous le nom de Bégnat, se présentaient en habit. Le jury eut la tâche difficile. Après plusieurs passages sur l'estrade, Léon Dachary fut nommé Roi. Cela déchaîna ce qu'on est convenu d'appeler des « mouvements divers » dans la foule car une partie du public réclamait Bégnat sur l'air des lampions. Mais Monsieur Dachary avait de chauds partisans et l'élection était acquise. Bégnat fut largement battu puisqu'il ne fut même pas nommé garçon d'honneur. II est vrai que les deux « sobresalientes » de sa Gracieuse Majesté étaient des « pin-up boys » de classe, puisqu'il s'agissait du rugby-man Georges Larre et du sculptural Jésus Junca, marchand de fruits et légumes pendant la semaine, et le dimanche clairon avec la Clique Bayonnaise, championne de France.

Bégnat ne réalisa pas tout de suite sa défaite. Mais il eut une réaction terrible. Il se précipita sur M. Dachary, voulant le frapper : « Salaud !, s'écria-t-il, tu m'as volé mon titre » ! II fallut intervenir pour éviter que le Roi ne soit ce soir fâcheusement abîmé.

Le souverain dut payer la rançon de sa gloire toute neuve et disons tout de suite qu'il s'en tira à la perfection. C'est par des paroles éloquentes qu'il manifesta sa joie au micro : « Je remercie le peuple de la folle ovation qu'il m'a réservée. Soyez assurés que je ferai tous mes efforts, ajouta-t-il, pour me montrer digne de la confiance que vous avez bien voulu me témoigner ».

Cela devait se terminer par un récital de Sa Majesté. Aux applaudissements de l'assistance, il détailla très finement « Madame la Marquise » et « Les Mousquetaires au Couvent ».

Ce soir, Bayonne pourra applaudir le « Char du Roi » qui ne sera pas une des minces attractions du Corso lumineux. Et, Michel de Barbeyrac de conclure : « Raphaël Dachary, dit Léon, grâce aux Batsarous, allait entrer dans la légende, à la suite de cette élection du 5 août 1949 ».

Mais il cite également cet autre couplet :

« Lorsqu’au soir de tes jours, debout sur une chaise,
La trogne illuminée comme un soleil couchant
Par quinze grands pastis et deux litres de blanc,
Tu chantais, ô Léon, d’innombrables fadaises,
D’une voix de ténor qui mettait mal à l’aise,
Quand tes amis riaient, Léon, tu étais grand ».

Heureusement, on ne raconte pas tout cela à nos invités venus de Pampelune, ni aux petits enfants venus assister au lever du « roi ». Il vaut mieux…

ALC

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